Tout a commencé par une indignation. En 2011, après avoir séduit 3 millions d’utilisateurs en Europe, la plate-forme gratuite Covoiturage.fr – aujourd’hui Blablacar – annonce qu’elle devient payante. Désormais, chaque passager embarquant dans une voiture inconnue afin de partager trajet et frais devra s’acquitter d’une commission de 20 %. Une poignée de rebelles s’insurge et crée l’association Covoiturage libre, avec sa plate-forme du même nom. En 2018, la structure compte près de 200 000 utilisateurs, opte pour le statut de coopérative et se renomme Mobicoop.
C’est à cette période que Bastien Sibille, aujourd’hui président de la structure, rejoint l’aventure. Pour ce fervent défenseur des logiciels libres, « les grandes plates-formes comme Uber ou Airbnb sont collaboratives mais pas coopératives : derrière une apparence très cool de location de canapé, on trouve toujours des fonds d’investissement qui prélèvent des commissions et commercialisent les données des utilisateurs ».
Mobicoop, à l’inverse, privilégie la gratuité et la gouvernance démocratique. Pour les 600 000 utilisateurs, en effet, la mise en contact pour un covoiturage est gracieuse. Les revenus de la coopérative proviennent de ses prestations pour des collectivités locales et des entreprises. Elle développe à leur attention des plates-formes de covoiturage sur mesure et en assure l’animation. Ses clients sont variés, de la région Auvergne-Rhône-Alpes au Pays d’Epinal en passant par la société Andros.
Des aires pour l’auto-stop
Dans 3 000 communes rurales, Mobicoop a même institutionnalisé l’auto-stop : des panneaux verts ornés d’un pouce levé indiquent les endroits où les aspirants passagers peuvent attendre qu’un conducteur – dûment enregistré – s’arrête. Temps d’attente moyen revendiqué par la coopérative : six minutes.
En tant qu’acteur des communs numériques, Mobicoop fonde son activité sur le logiciel libre. En conséquence, « si demain le Grand Lyon ou le département du Finistère ne veulent plus travailler avec nous, leurs informaticiens pourront utiliser eux-mêmes le code informatique de la plate-forme de covoiturage, poursuit Bastien Sibille. Et les données sur les trajets effectués resteront leur propriété. Avec d’autres acteurs, ces données seraient potentiellement commercialisées. C’est très grave ».
Autre signe distinctif, Mobicoop est une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Les décisions s’y prennent entre les 1 120 sociétaires, parmi lesquels se trouvent des collectivités locales, des financeurs, des salariés, des clients, des utilisateurs… « La coopérative appartient à l’ensemble des personnes qui l’utilisent, et elles votent selon le principe “une personne, une voix”. Une structure comme la Macif, par exemple, a donc la même puissance de décision qu’un utilisateur détenteur d’une seule part sociale », se félicite Bastien Sibille.
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