Tout de blanc vêtu, casquette à l’envers, Nayib Bukele exulte : « Nous construirons Bitcoin City ! » Le président salvadorien s’exprime en anglais devant un parterre de « bitcoineurs » étrangers venus assister à la Bitcoin Week dans le premier pays à avoir adopté, le 7 septembre 2021, le crypto-actif comme monnaie officielle. « Ce sera une vraie municipalité, avec un maire et tout ! », promet le chef d’Etat. Une zone franche, alimentée en électricité par la géothermie du volcan Conchagua, qui servira aussi au minage – les calculs énergivores servant à authentifier les transactions en bitcoins. Pour financer ce monumental projet, annonce-t-il, des cryptobonds seront émis pour une valeur de 1 milliard de dollars (1 milliard d’euros).
C’était le 20 novembre 2021. Neuf mois plus tard, aucune pierre n’a encore été posée. Et aucun cryptobond émis. La faute au contexte international : « Tous les marchés sont sens dessus dessous à cause du Covid-19, de l’inflation galopante et de la guerre en Ukraine », plaide le ministre de l’économie, Alejandro Zelaya.
Les autorités continuent de défendre leur décision de faire du bitcoin une monnaie de cours légal. Et lui attribuent une supposée hausse des investissements étrangers et le fait que le tourisme international ait retrouvé son niveau d’avant la pandémie. Une cinquantaine d’entreprises liées au bitcoin se seraient déjà installées. Stacy Herbert et Max Keiser, couple de journalistes américains spécialisés dans les cryptomonnaies, ont été attirés par les facilités accordées aux investisseurs en bitcoins. Ils ont créé un fonds pour financer des start-up contribuant à l’« hyperbitcoinisation » du pays. « Le bitcoin est l’avenir du Salvador », explique Mme Herbert.
Le bilan est mitigé
Jorge Cruz Rubio, producteur de café, a créé en leur honneur sa ligne Satoshi Specialty Blend (référence au pseudonyme du créateur du bitcoin). Sur le paquet, le « B » orange et le masque d’Anonymous. M. Cruz offre des réductions si l’achat est fait en bitcoins. « Cette monnaie est un moyen d’effectuer mes transactions vers le monde entier depuis ma plantation d’Ahuachapan, au lieu de passer des heures en ville et de payer des commissions », explique-t-il.
Pourtant, un an après l’instauration de cette monnaie, le bilan est mitigé. Si la loi « bitcoin » a mis le Salvador sur le devant de la scène internationale « pour autre chose que pour la violence de ses gangs », se réjouit M. Zelaya, son utilisation par la population est loin d’être au rendez-vous.
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