L’histoire est jalonnée d’outsiders politiques qui saisissent le pouvoir grâce à la maîtrise précoce des nouveaux médias. La Révolution française fut celle de l’opinion publique, du Vieux Cordelier, le journal de Camille Desmoulins, au Bulletin de la Grande Armée de Napoléon. Le XXe siècle fut celui de la propagande de masse, des grands-messes radio-cinématographiques d’Hitler aux débats télévisés des présidentielles. N’a-t-on rien appris des violences que peut engendrer un nouveau média sans modération ?
Le XXIe siècle est celui du numérique et de l’intelligence artificielle (IA). Nous ne sommes pas préparés à un bouleversement qui pourrait emporter la démocratie. Deux tiers des Français ne s’informent plus que sur les réseaux sociaux. Nous consommons une information microciblée, saucissonnée en moins de 280 caractères sur le réseau social X, drogués aux vidéos virales de TikTok, abrutis devant les images d’Instagram, aveugles à ces bulles numériques qui nous enferment. Et, malgré le risque de fracture de la société, aucune instance ne régule ce débat public.
Les règles de la prise de pouvoir ont changé. En 2008, Barack Obama appliqua le premier les techniques du customer relationship management (gestion de la relation client) pour cibler les sympathisants démocrates. Donald Trump intègre la leçon et ajoute le mégaphone Twitter, reléguant les médias traditionnels au rang de commentateurs. Son éminence grise, Steve Bannon, mandate Cambridge Analytica pour réveiller la colère des incels (involuntary celibates, les « célibataires involontaires ») via Facebook. Ils servent à cette « cible » des contenus ultrapolarisants pour qu’ils inondent les réseaux de leur indignation.
Dans le monde du numérique, un réseau chasse l’autre. TikTok a décollé grâce à un algorithme manipulateur offrant des vidéos enfantines. La profondeur y est l’ennemi du clic et la vérité celle du divertissement… Jordan Bardella prospère sur ce terreau. Sa maîtrise des nouveaux modes de viralité n’augure rien de bon sur notre capacité à saisir la complexité du réel. S’il ne présentait pas si bien, Bardella illustrerait la maxime de Roger Stone, conseiller de Trump, selon qui « la politique n’est rien d’autre que du show-business pour les gens moches ».
Fabrique du consentement
Après une telle régression, on croirait à une blague en apprenant qu’en France, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom, ex-CSA) ne surveille pas le temps de parole des candidats sur les réseaux. C’est pourtant la principale source d’information des Français… Les digues sont rompues dans l’économie du like ; il n’y a plus de protection publique contre les manipulations numériques.
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