Jouer selon les règles, c’est a priori sur cette base que le déroulement d’un jeu est rendu possible. Au Uno, c’est un peu différent. La partie se lance non pas selon les règles, mais « selon les règles définies au début ». Au début de quoi ? De la partie, d’un tour, d’un nouveau désaccord, d’une nouvelle situation. En fonction de quoi ? Des règles de chaque joueur, de celles qu’ils connaissent, pratiquent ou imposent « depuis toujours ».
Peu importe si la mauvaise foi ou la persévérance prennent le pas sur la détente. Au Uno, réussir à faire passer ses règles avant même d’avoir commencé à jouer, c’est déjà un peu gagner.
« D’une manière générale, je trouve que le Uno, plus que tout autre jeu, révèle la vraie nature des gens. » Gaël a 51 ans, et ses mots résument au mieux ce que disent en creux la quelque centaine de témoignages que Le Monde a reçus en provenance de joueurs de Uno, qui ne sont d’accord sur rien au sujet des règles, sauf sur le fait de ne pas l’être. Et encore.
Parmi eux, certains résistent et tentent de protéger les règles (lesquelles ?), comme Karine qui « aime jouer comme avant, à l’ancienne » (mais c’est comment « comme avant ? »). « C’est un jeu qui m’évoque trop de bons souvenirs, je ne veux pas qu’il change », explique la quadragénaire parisienne qui se livre à ce jeu « depuis plus de vingt ans ».
Un jeu, une philosophie : « C’est moi qui ai raison »
D’âges et de contrées aussi variés qu’un jeu de cent huit cartes réparties en quatre familles de couleurs, divisées en cartes simples – numérotées de 0 à 9 – et en cartes spéciales – permettant cinq actions différentes –, les joueurs de Uno semblent toutefois avoir une philosophie bien commune : « C’est simple, c’est moi qui ai raison. »
Depuis Bruxelles, Géraldine souhaite être claire à ce sujet. Un jour qu’elle jouait avec les amis du frère de son compagnon, et que ces derniers « voulaient à nouveau changer les règles », ça n’est pas passé. « C’était non négociable, mon copain et moi sommes les kings du Uno. Aujourd’hui, nos règles sont les bonnes, un point c’est tout. »
Et si à travers ces « règles maison » rendues pimpantes par tous ces ajouts de « piments », de « fun » et de « frustrant », nous n’avons pas la réponse à la question de la prononciation « ouno » – en phonétique [uno] – ou « uno » [yno], nous n’avons pas non plus de certitudes sur un quelconque tronc commun de règles « officielles » appliquées. Tant de variantes populaires et non inscrites nulle part existent et émergent au fil des années.
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