L’Europe veut recouvrir sa souveraineté technologique dans l’espace. Après avoir fait de Galileo, un sérieux concurrent au GPS américain, le Vieux Continent entend se doter rapidement d’une constellation de satellites pour offrir un accès à un internet haut débit sur tout son territoire. L’objectif est, cette fois, de ne pas dépendre des méga-constellations des géants du numérique comme aujourd’hui Starlink de SpaceX et demain Kuiper d’Amazon.
Car l’internet satellitaire permet de couvrir les zones blanches et de suppléer les réseaux de communication terrestres en cas de défaillance ou de cyberattaque. C’est donc une arme géopolitique.
Exemple : dans la guerre en Ukraine, le multimilliardaire Elon Musk, propriétaire de Starlink, a tout d’abord donné un avantage décisif aux forces de Kiev. Et ce avant d’interférer dans le conflit en privant ces dernières d’accès lors d’une offensive en Crimée.
Orange, Thales et Airbus parmi les sous-traitants
La réponse de l’Union européenne s’appelle Iris². Cela signifie Infrastructure for Resilience, Interconnectivity and Security by Satellite. Initié il y a deux ans par l’ancien commissaire européen Thierry Breton, le programme, retardé par des divergences franco-allemandes explique Le Monde, prend un virage plus opérationnel. La Commission européenne a retenu le consortium SpaceRISE pour le développement, le déploiement et l’exploitation du système satellitaire.
Ce consortium comprend trois opérateurs de réseaux satellitaires européens :
- Le luxembourgeois SES
- Le français Eutelsat
- L’espagnol Hispasat
Il s’appuie sur une équipe de sous-traitants européens dont :
- Des fabricants de satellites – Thales Alenia Space, OHB, Airbus Defence and Space
- Des opérateurs télécoms – Deutsche Telekom, Orange
- Des spécialistes de la connectivité satellitaire – Telespazio, Hisdesat
- Et un expert de les systèmes de communication sécurisés dédiés à la défense – Thales SIX
D’une durée de 12 ans, le contrat de concession est un partenariat public-privé. Évalué entre dix et douze milliards d’euros, le projet Iris² sera financé à environ 60 % par l’UE et 40 % par les opérateurs privés. A la différence de la constellation de Starlink, composée de quelque 6 000 satellites en orbite basse (environ 550 km) et le double à terme, Iris2 ne comprendra qu’un peu plus de 290 satellites.
Opérationnel en 2030
Pour gagner en résilience, Iris² fait le choix d’une stratégie multi-orbitale. Ses satellites seront placés à la fois en orbite basse et moyenne – entre 300 et 1 200 kilomètres d’altitude – et d’autres en mode géostationnaire – 36 000 kilomètres au-dessus de la Terre.
Le programme pourra compter sur le nouveau lanceur européen, Ariane 6, qui remet l’Europe dans la course aux étoiles. Prévu pour être opérationnel en 2030, le dispositif sera complété par des stations au sol.
Autre différence avec Starlink, Iris² a une vocation duale. Il doit fournir à la fois des systèmes de communication sécurisés et chiffrés aux gouvernements des Etats-membres et des services commerciaux.
Cas d’usage gouvernementaux et commerciaux
Parmi les cas d’usage gouvernementaux, la Commission européenne cite :
- La surveillance des frontières
- La gestion de crise et l’aide humanitaire
- Le déploiement de forces hors de l’UE
- Les communications sécurisées pour les ambassades européennes
En dehors de l’UE, Iris² couvrira des « zones géographiques d’intérêt stratégique », notamment l’Arctique et l’Afrique.
En ce qui concerne les applications commerciales, la Commission évoque :
- Le secteur des transports (maritime, ferroviaire, aérien et automobile)
- La gestion de réseaux d’énergie connectés
- La banque
- Les activités industrielles à l’étranger
- Les soins de santé à distance
- L’agriculture de précision
Le programme sera sous la supervision de l’Agence spatiale européenne (ESA) et de l’Agence de l’Union européenne pour le programme spatial (EUSPA).