Le géant de la batterie européenne met un coup d’arrêt brutal à son projet de gigafactory en Allemagne et en Italie.
C’est une annonce particulièrement surprenante. ACC, le consortium européen formé par des entreprises telles que Stellantis, Mercedes et TotalEnergies a annoncé la mise en pause de la construction de ses deux usines de production de batteries NMC. La coentreprise qui est qualifiée d’Airbus de la batterie de par sa dimension européenne et son amplitude, devait initialement bâtir ces usines sur les sites historiques d’Opel et Fiat, respectivement à Kaiserslautern (Allemagne) et Termoli (Italie).
Les deux sites qui devaient entrer en fonctionnement en 2025 et 2026 étaient censés produire des batteries de type NMC (Nickel – Manganèse – Cobalt) pour les différentes marques du consortium. Automotive Cells Company (ACC) a surpris avec cette annonce qui intervient alors que la progression des ventes de voitures électriques est réelle et que les besoins d’approvisionnement en batteries fabriquées en Europe n’ont jamais été aussi élevés. En effet, les batteries ACC doivent permettre, entre autres, d’améliorer le bilan carbone de certains modèles pourvus pour le moment de batteries chinoises et de les rendre ainsi éligibles au nouveau bonus écologique. Dès lors, une question se pose : pourquoi ACC a-t-elle décidé de revoir ses plans ?
Virage stratégique et technologique
La première raison invoquée par l’Airbus de la batterie est le souhait d’opérer un « pivot technologique ». C’est ce que rapportent Les Echos et l’AFP qui ont pu interroger Matthieu Hubert, le secrétaire général d’ACC. « ACC adapte sa stratégie d’approvisionnement en batteries pour ajouter à son portefeuille de nouvelles chimies de cellules à faible coût, en réponse à l’évolution de la demande du marché vers des véhicules moins coûteux », déclare le responsable, mais que faut-il en conclure ?
Concrètement, la décision de l’entreprise a un rapport direct avec le type de batterie qui devait être produite sur ces deux nouveaux sites. Or, la technologie à base de chimie LFP (Lithium – Fer – Phosphate) est en train de perdre du terrain par rapport aux cellules NMC, une alternative plus abordable. Ainsi, lorsque le dirigeant déclare : « cette décision est liée à l’évolution de la demande du marché, notamment vers des produits moins onéreux », il faut comprendre que ACC envisage de se tourner vers le LFP ou une autre chimie plus abordable que le traditionnel NMC. Or ce virage stratégique ne peut se faire en un claquement de doigts. Il nécessite « une nouvelle phase de recherche » et la mise en place d’un nouveau calendrier qui n’interviendra que « fin 2024, ou début 2025 ».
Un contexte économique moins favorable
Le changement de cap de la technologie NMC vers la LFP n’est pas la seule raison invoquée par ACC pour expliquer cette décision spectaculaire. Le contexte économique et politique serait aussi moins serein, ce que l’entreprise explique par deux exemples. Le premier, c’est le constat que la progression des ventes de voitures électriques en Europe est moins rapide que prévu. Le taux d’adoption augmente, mais à une faible allure.
Cette situation pourrait d’ailleurs se dégrader à mesure que les aides à l’achat se réduisent. Ainsi, le bonus écologique baisse régulièrement en France, en plus d’être plus contraignant. En Allemagne, la fin des aides à l’automne dernier est l’une des raisons invoquées par les experts pour expliquer ce ralentissement du secteur.
Faut-il s’inquiéter pour l’Airbus de la batterie ?
En revanche, malgré cette décision radicale, ACC a tenu à confirmer la montée en puissance de sa gigafactory française. Le site de Billy-Berclau/Douvrin, première usine ouverte par ACC se verra bien doté d’une seconde ligne de production comme prévu. C’est dans cette usine notamment que devrait être produite la nouvelle batterie de la Peugeot e-3008, celle qui équipera les modèles vendus fin 2024, ainsi que la version de 98 kWh qui n’arrivera que l’an prochain sur le SUV électrique.
Malgré cela, il s’agit d’un coup d’arrêt sérieux pour cette entreprise qui devait incarner la batterie made in Europe. Pour rappel, en février, ACC avait un prêt de 4,4 milliards d’euros afin de financer, en partie, ces deux nouvelles usines de production. En effet, cette contribution devait à elle seule financer quatre des neufs blocs de production ACC prévus à travers l’Europe dans les prochaines années. Mais la coentreprise n’est pas le seul acteur du secteur à redoubler de prudence. À titre de comparaison, l’entreprise chinoise Svolt a annoncé il y a quelques jours l’abandon de son second projet de gigafactory en Allemagne.
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Source :
Les Echos