Les déboires judiciaires de Binance se poursuivent. Après l’ouverture d’une enquête préliminaire en février 2022, le parquet de Paris et la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) viennent d’annoncer l’ouverture d’une information judiciaire contre l’exchange crypto, le leader actuel du marché.
Concrètement, l’enquête est désormais sous la houlette d’un juge d’instruction. Ce magistrat est chargé d’instruire le dossier à charge et à décharge. La direction nationale des enquêtes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est en charge de l’enquête. Tout comme les gendarmes de la section de recherches de Paris et l’Office national anti-fraudes.
Ces poursuites visent d’abord des infractions de “blanchiment aggravé, de fraude fiscale, en lien avec un trafic de produit stupéfiant”. L’entreprise lancée en 2017 par Changpeng Zhao est ainsi accusée d’avoir failli à ses obligations de vigilance dans le cadre de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Plaintes de clients
La justice française soupçonne Binance d’avoir commis ce type de délits de 2019 à 2024, en France ou dans l’Union européenne. “L’enquête avait débuté à la suite de plaintes d’utilisateurs”, souligne la juridiction. Ces derniers dénoncent des pertes après avoir investi sur la plateforme. Ils auraient été trompés par les informations communiquées.
Les enquêteurs s’intéressent à la façon dont la plateforme d’échange crypto appliquait la procédure KYC, pour “Know your customer” (Connaissance du client en français). Visiblement mal pour la justice française, ou pas assez. Des affaires judiciaires ont pu aboutir grâce à la coopération de la plateforme.
L’entreprise aurait, selon l’accusation, facilité le blanchiment de fonds issus du narcotrafic ou de fraudes fiscales.
Amende colossale
La plateforme crypto avait déjà été sanctionnée en novembre 2023 aux Etats-Unis d’une amende colossale de 4,3 milliards de dollars pour des faits similaires. Binance avait été condamné pour avoir failli dans ses obligations de signalement des transactions suspectes. Changpeng Zhao avait alors été forcé à la démission et avait passé quatre mois en prison pour pénitence.
Binance avait manqué de vigilance sur 100 000 transactions suspectes passées bien trop facilement sous son radar.
Avant que la firme ne se mette en conformité, après mai 2022. Ces flux provenaient de gangs de rançongiciels, de marchés noirs en ligne ou de diverses escroqueries.
Le Psan visé
La plateforme est également accusée en France “d’exercice illégal de la profession de prestataire de service sur actifs numériques”. Les plaignants ont en effet pointé ce défaut d’agrément. Les investigations en cours visent plus précisément “des communications à caractère promotionnel”. Faites via des influenceurs ou les réseaux sociaux, elles avaient précédé l’enregistrement de l’entreprise auprès du gendarme des marchés financiers.
Binance avait ouvert des locaux français au mois de novembre 2021. Puis l’entreprise avait obtenu l’enregistrement auprès de l’Autorité des marchés financiers en mai 2022. La société crypto n’est toutefois pas agréée. Ce statut distinct impose notamment d’avoir des moyens humains et techniques suffisants, un dispositif de contrôle interne, des procédures pour lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme ou encore des règles de bonne conduite.
En décembre 2023, la plateforme avait suscité la polémique après une enquête du Financial Times. Le média britannique avait raconté comment, sous couvert de formation à la blockchain, l’entreprise avait fait l’acquisition de clients à l’automne 2023. Pour recevoir son diplôme sous forme d’un NFT, il fallait ouvrir un compte sur Binance.