La chute du cours des cryptomonnaies a ses bons côtés. Alors que la valeur du Bitcoin, de l’Ether et de la plupart des altcoins s’est fortement réduite, les escrocs se retrouvent à court de victimes potentielles. Les revenus générés par les arnaques se sont effondrés depuis le début de l’année.
Les arnaques aux cryptomonnaies ont rapporté moins d’argent aux escrocs en 2022 que l’année dernière, révèle un rapport de Chainalysis, l’un des spécialistes de l’analyse de la blockchain. Entre janvier et juillet 2022, les criminels ont amassé 1,6 milliard de dollars, soit 65 % de moins qu’à la même période en 2021.
Cette baisse résulte de l’effondrement du marché des cryptomonnaies. Depuis la fin de l’année dernière, la valeur des devises numériques s’est fortement contractée. Le roi Bitcoin est retombé sous la barre des 25 000 dollars, loin de son record de novembre 2021 (69 000 dollars). La plupart des altcoins se sont également écroulés, imitant les valeurs boursières.
« Personne n’aime un marché baissier, mais le seul côté positif est que l’activité illicite impliquant des cryptomonnaies a chuté », note Chainanalysis.
Une pénurie de victimes potentielles
Comme le souligne Chainalysis, « les recettes des escroqueries ont diminué plus ou moins conformément au cours du Bitcoin ». De plus, il apparaît que le nombre de personnes tombées dans des pièges de cybercriminels a sensiblement baissé. Le nombre de transferts vers des adresses d’escrocs a atteint son niveau le plus bas en l’espace de quatre ans.
Eric Jardine, responsable de la recherche sur la cybercriminalité de Chainalysis, estime que de moins en moins de « nouveaux utilisateurs inexpérimentés », cœur de cible des criminels, affluent sur le marché. Comme toujours, les néophytes se lancent dans le monde des crypto-actifs quand les cours sont à la hausse. Une étude de Statista montre d’ailleurs que l’adoption des cryptomonnaies s’est d’ailleurs considérablement accélérée en 2021.
Lorsque le marché se contracte, les particuliers qui rêvent de richesse ne s’intéressent pas au secteur. Dans ce contexte baissier, les escrocs, qui promettent « d’énormes rendements » dans le cadre d’investissements passifs, font face à une pénurie de victimes potentielles. Difficile d’appâter des investisseurs en quête de fortune alors que les cours se sont effondrés. La mauvaise presse entourant le krach du Luna ou la faillite de la plate-forme Celsius pourraient également avoir contribué à éloigner les nouveaux entrants.
En parallèle, les marchés noirs du dark web ont pareillement enregistré une baisse de leurs revenus. Les bénéfices des marketplaces se sont effondrés de 43 % depuis avril 2022. Les experts de Chainalysis attribuent la baisse au démantèlement d’Hydra Market, un des plus importants marchés du dark web.
Lancé en 2015, le site russe comptait 17 millions de clients. On y trouvait surtout des armes et de la drogue. Les forces de l’ordre allemandes sont parvenues à confisquer les serveurs après des années d’enquête. Quelques semaines plus tôt, un autre marché noir, connu sous le nom de WordMarket, a aussi fermé ses portes. Les administrateurs se sont envolés avec l’argent des acheteurs.
Hausse des piratages
A contrario, les pirates informatiques ont gagné davantage d’argent en volant des cryptomonnaies que l’an dernier. 1,9 milliard de dollars de devises ont été dérobés lors de piratages entre janvier et juillet 2021, contre 1,2 milliard sur la même période en 2021.
Plusieurs hacks ont d’ailleurs marqué l’écosystème ces dernières semaines. Citons notamment le piratage de Nomad, un pont de crypto-devises. En exploitant une faille, des attaquants ont volé 190 millions de dollars. Solana, l’une des plus importants cryptomonnaies, a également été victime d’une attaque. 8000 investisseurs ont été dépouillés en quelques heures. Plus de 6 millions de dollars ont disparu pendant l’opération.
Un frein pour l’adoption ?
La chute de l’écosystème s’est aussi accompagnée d’une baisse du nombre de transactions légales. Les transactions légitimes ont diminué de 36 % d’une année à l’autre. La baisse est plus marquée que du côté des transactions criminelles.
Tandis que le Bitcoin vivote autour des 20 000 dollars, une kyrielle de nouveaux investisseurs se sont subitement détournés du marché. En clair, une pléthore de particuliers, attirés par l’appât du gain en 2021, a quitté le secteur en 2022. Ils peuvent notamment avoir cessé d’injecter des fonds à leur compte Binance, Coinbase ou Crypto.com.
L’inflation et la hausse des matières premières pourraient par ailleurs avoir réduit les capacités d’investissement des moins fortunés. Alors que le prix du gaz, du bois et de l’électricité atteint des sommets, il est plus difficile de mettre de côté pour acheter des actifs. Aussi, les investisseurs plus aguerris ont tendance à se détourner des placements risqués, comme les cryptomonnaies, lors des phases d’incertitude. Une étude du Boston Consulting Group (BCG) s’attend néanmoins à ce que l’adoption des cryptomonnaies continue de progresser. Les experts tablent sur un milliard d’utilisateurs de crypto-devises en 2030.
De plus, malgré ce marché rouge sang, les cryptomonnaies continuent d’attirer les investisseurs institutionnels. Par exemple, de nombreux fonds de pension américains continuent de se montrer intéressés par les crypto-actifs, rapporte le Wall Street Journal. Conscient des aléas de ce type d’investissement, ils considèrent la baisse du marché comme une opportunité.
Source :
Chainanalysis