Pourquoi les dialogues sont-ils parfois aussi inaudibles dans les films et les séries ?

Pourquoi les dialogues sont-ils parfois aussi inaudibles dans les films et les séries ?


Il y a plusieurs raisons évidentes qui poussent à activer les sous-titres quand on visionne chez soi des films ou des séries : lorsqu’on regarde une version originale (VO), bien sûr, ou lorsqu’on baisse le volume pour laisser dormir un proche, par exemple. Alex, lui, les active dans un contexte plus étonnant : pour regarder des fictions bien françaises, à un volume sonore normal. « Quitte à rater parfois des informations à l’image lorsque je suis occupé à les lire », explique ce Grenoblois de 29 ans. Parmi ses motivations figure un argument cité souvent par la douzaine de grands consommateurs de sous-titres interrogés par Le Monde : « Les voix manquent de clarté. »

Il peut arriver qu’« un acteur joue de façon un peu fragile, observe Gwennolé Le Borgne, monteur son qui a travaillé notamment sur les films BAC Nord (2020) ou Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan (2023). Ou qu’il parle trop vite. » D’épisodiques soucis d’élocution qui ne deviennent vraiment problématiques que lorsqu’ils sont combinés à d’autres gênes, estime l’ingénieur du son Niels Barletta, double César du meilleur son : « Le texte donné au comédien peut être difficile à comprendre pour le spectateur ou la bouche du comédien peut être cachée à l’image, ce qui gêne son déchiffrage. »

Des téléviseurs qui sonnent mal

La captation des voix, elle, n’est pas toujours parfaite non plus. « Sur un tournage, le son figure parmi les derniers soucis de l’équipe », jauge une assistante de réalisation qui souhaite garder l’anonymat. « Le réalisateur gère trop de facteurs : lumière, jeu d’acteur, déplacements, mouvements de caméra, cadre… », abonde Sarah, une ingénieure du son ayant travaillé dans le doublage. C’est donc l’image qui l’emporte sur un plateau et les ajustements occasionnels en « post-synchro », qui consistent à convoquer le comédien après le tournage pour lui faire doubler sa propre voix dans un studio capitonné, ne parviennent pas toujours à reproduire l’énergie et l’ambiance du tournage. Si bien que, de temps en temps, une prise en plateau peut finir par être conservée même si elle comporte un défaut sonore.

Si ces passages gênent moins au cinéma qu’à la maison, c’est d’abord parce que le volume sonore est beaucoup plus élevé en salle et parce qu’on y est plus attentif que chez soi. Mais également parce que l’équipement audio est généralement nettement meilleur dans les salles obscures que dans nos logements. Les haut-parleurs des smartphones et tablettes bas et moyen de gamme peinent à restituer les voix clairement dans une pièce bruyante. Quant aux téléviseurs, ils ne cessent de mincir depuis vingt ans : leurs haut-parleurs sont devenus ultraplats et sont passés au dos de l’écran, alors qu’ils étaient auparavant dirigés vers les spectateurs. « La qualité n’est pas là, juge Niels Barletta. Le son est souvent très flou, voire catastrophique. »

Sans compter que les logements souffrent parfois de réels problèmes acoustiques. La plupart des pièces amplifient certaines fréquences basses du fait de leur géométrie, et en atténuent d’autres, au moment où ces basses, après avoir rebondi sur deux murs différents, se rencontrent en un endroit précis de la pièce et s’annulent. Chez certains, ces déséquilibres peuvent nuire franchement à la compréhension. En outre, dans les pièces intégralement carrelées ou fortement vitrées, les ondes sonores peuvent également rebondir et former une réverbération qui floute les contours des voix.

Variations sonores

Quelques aménagements acoustiques, combinés à l’emploi d’une barre de son, ont de bonnes chances de faire régresser la sensation de mal comprendre les dialogues (voire notre encadré ci-dessous). Mais ces améliorations ne pourront pas grand-chose contre un autre problème majeur, si l’on en croit les personnes interrogées par Le Monde : les montées soudaines du niveau sonore, liées par exemple à l’explosion d’une bombe ou à « l’obligatoire scène de boîte », ironise Agnès, une graphiste de 53 ans habitant à Tarbes.

Un problème qui concerne tout particulièrement les personnes vivant dans des logements aux murs minces, contraintes de baisser régulièrement le volume afin de ne pas gêner les voisins ou leurs proches, puis à le remonter immédiatement afin d’entendre les dialogues. La manœuvre est si répétitive qu’ils finissent parfois par se décourager : ils branchent alors les sous-titres. Les ingénieurs du son qui peaufinent les pistes sonores des films et séries en ont parfaitement conscience. Ils en produisent une version spécifique à destination de nos logements, qui se distingue par des écarts de volume réduits, comparés à la version destinée au cinéma.

Pour autant, les différences de niveaux ne sont pas totalement gommées d’une scène à l’autre. Si les ingénieurs les éliminaient, ils ne travailleraient que pour les spectateurs qui veulent regarder leurs fictions à bas volume : ceux-là gagnent en effet à bénéficier d’un son plat et sans contrastes. Or les mixeurs travaillent pour tous les spectateurs, dont ceux qui apprécient les pistes sonores plus expressives, naturelles et émouvantes du cinéma. Bref, qui ont l’intérêt inverse. Puisqu’il est impossible de contenter tout le monde, les ingénieurs du son cherchent une voie médiane.

Pour compliquer le tout, la transformation des pistes cinéma en mixage pour la télévision (ou downmixing) est souvent confiée à un logiciel qui les convertit automatiquement. Or « son travail n’est pas toujours vérifié par un humain », regrette un ingénieur du son travaillant dans le doublage, qui souhaite garder l’anonymat. Résultat : il peut arriver que des dialogues soient noyés dans des musiques.

Le Monde

Offre spéciale étudiants et enseignants

Accédez à tous nos contenus en illimité à partir de 8,99 euros par mois au lieu de 10,99 euros

S’abonner

Quant aux Blu-ray et aux DVD, ils ne sont pas toujours mixés à destination des télévisions. « Il n’y a pas de norme à respecter pour ces disques, contrairement aux pistes sonores destinées aux chaînes et aux plates-formes de VOD, explique Niels Barletta. Résultat : les Blu-ray embarquent souvent le mixage cinéma, avec ses très gros écarts de volume. » Ce sont ces écarts, d’une série à l’autre, qui peuvent donner aux spectateurs l’impression d’être un peu perdus, la télécommande de volume à la main.

Quelques solutions pour améliorer la clarté

On peut commencer par explorer les menus de la télévision à la recherche d’un éventuel système d’amélioration des dialogues ou de réduction de la dynamique. Ce type de filtre sonore peut parfaire l’intelligibilité d’une partie des voix, mais ne règle généralement pas tous les problèmes. On obtient généralement de meilleurs résultats en ajoutant à la télévision une bonne barre de son ou un système 5.1 doté de plusieurs haut-parleurs (en prenant garde d’éviter les grands haut-parleurs aux basses puissantes dans les pièces de moins de 20 mètres carrés puis en évitant de les coller aux murs).

Dans les petites pièces, comme dans les salles à l’acoustique imparfaite, on optera de préférence pour du matériel sonore doté d’un système d’« autocalibration », capable de modifier sa signature sonore en fonction des pièces, pour atténuer les excès de graves ou d’aigus. Dans les salons dotés de beaucoup de carrelage ou d’une grande surface vitrée, cela ne suffira toutefois probablement pas à restaurer la clarté sonore : on gagnera alors à ajouter des tapis, des rideaux épais et autres bibliothèques pour absorber la réverbération.



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.