Pourquoi l’État rachète Alcatel Submarine Networks ?

Pourquoi l’État rachète Alcatel Submarine Networks ?



A quelques jours d’élections législatives anticipées, le gouvernement se saisit de l’enjeu de souveraineté industrielle. Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances mais aussi de la Souveraineté industrielle et numérique, a signé une promesse d’achat auprès de l’équipementier finlandais Nokia. L’État s’engage à acquérir 80 % de sa filiale Alcatel Submarine Networks (ASN).

Comme son nom l’indique, ASN est spécialisée dans la conception, la fabrication, la maintenance et la pose de câbles sous-marins. Réalisant un chiffre d’affaires de plus d’un milliard d’euros, elle est considérée comme l’un des leaders mondiaux de ce marché hautement concurrentiel. Cette opération est menée par l’Agence des participations de l’État (APE).

Selon une estimation de Bercy, reprise par l’AFP, l’Etat devrait débourser environ 100 millions d’euros dans cette prise de contrôle d’ASN, société valorisée à 350 millions d’euros. Si Nokia garde une participation minoritaire, l’accord prévoirait que l’Etat s’empare à terme de 100 % du capital.

Retour aux sources pour ASN

Pour Alcatel Submarine Networks, c’est un retour à ses origines hexagonales. Il y a 30 ans, Alcatel, ex-fleuron français des télécoms, regroupait ses activités de télécommunications sous-marines au sein cette nouvelle entreprise. En 2015, elle sera absorbée par Nokia comme l’ensemble des actifs du groupe Alcatel. Ironie de l’histoire, ASN se retrouvera en concurrence sur ce marché du câble avec le français Nexans, anciennement connu sous le nom de… Alcatel Câble.

Aujourd’hui, ASN emploie près de 2 000 collaborateurs, dont 1 370 en France, répartis sur plusieurs sites en France, dont celui de Calais, et à l’étranger, notamment au Royaume-Uni et en Norvège.

Cette opération « démontre la capacité de l’État à investir dans des sociétés françaises afin de soutenir et développer leurs activités stratégiques, ainsi que la pertinence de l’APE comme outil de défense des intérêts fondamentaux de la nation », se réjouit Bercy dans un communiqué.

Un enjeu géopolitique élevé

De fait, le marché des câbles sous-marins est particulièrement critique. Par ces infrastructures en fibre optique transite plus de 99% du trafic transcontinental de données et connaît une forte croissance avec l’explosion de la demande de connectivité au niveau mondial.

« Artères vitales » des télécommunications mondiales, les câbles sous-marins constituent un enjeu géopolitique sensible.

Aux côtés de l’américain Subcom, du japonais NEC Corporation et du désormais français Alcatel Submarine Networks, la Chine montre une ambition grandissante dans ce domaine, à travers HMN Tech, filiale de Huawei, et des prises de participation dans ce domaine par des opérateurs télécoms appartenant à l’État (China Mobile, China Telecom et China Unicom).

La menace fantôme

Pour Recorded Future, plateforme de renseignement sur les menaces cyber, cette montée en puissance soutient « très probablement les ambitions géopolitiques [de la Chine] tout en créant de nouvelles opportunités de collecte de renseignements via les stations d’atterrissage qu’elle contrôle. » « Cette expansion a également donné à Pékin une plus grande capacité à façonner la structure physique d’Internet, et potentiellement le comportement numérique correspondant. »

Bien qu’invisible, cette menace n’a pas échappé à la Commission européenne. Dans une récente recommandation sur la sécurité et la résilience de câbles sous-marins, l’exécutif européen appelle à la plus grande vigilance.

Chaque Etat-membre est convié à cartographier les risques potentiels et à inclure la protection des infrastructures de communication sous-marines dans sa stratégie nationale de cybersécurité. Message entendu par la France.

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