Pourquoi « malaisance » buzze et pas « ennuyance », ou comment prédire le succès d’un mot sur un réseau social

Pourquoi « malaisance » buzze et pas « ennuyance », ou comment prédire le succès d’un mot sur un réseau social


Quel est le point commun entre « malaisance », « féminazis », « islamogauchiste », « jpanique » « mskn », ou encore « qtv »… ? Et quelle différence avec « brechan », « masculiste », « posticher », « ennuyance », « miskinou »… ? Réponse : tous ces termes inventés ont circulé sur Twitter, rebaptisé X en 2023, mais la première liste est faite de mots ayant perduré plusieurs mois, voire des années, tandis que la seconde recense des innovations lexicales ayant fait long feu. Une étude de l’université Grenoble-Alpes et de l’Ecole normale supérieure (ENS) de Lyon parue dans PLOS Complex Systems, le 3 septembre, les a repérés et a analysé leur devenir sur le réseau social. Elle prédit même quels mots buzzeront avant de sombrer ou, au contraire, persisteront.

Pour cela, l’équipe a récupéré 650 millions de tweets provenant de 2,5 millions d’utilisateurs français de Twitter entre 2012 et 2019. Puis, sur la période de mars 2012 à février 2014, elle a repéré automatiquement quels mots nouveaux apparaissaient, utilisés par au moins deux cents personnes différentes (les retweets sont exclus). Soit 392 innovations lexicales, qui, bien sûr, ont pu être inventées ailleurs que sur Twitter. « Les noms propres ont été exclus et nous avons gardé les différentes variations d’orthographe, voire de répétition de lettres. “Flmm”, “flmmm” ou “flmmmm” ont des sens différents pour les utilisateurs, donc sont considérés comme distincts », précise Louise Tarrade, doctorante à l’ENS Lyon et première autrice de l’article.

« Twitter est propice à l’innovation. Ce n’est pas du langage standard, comme celui qui est généralement étudié en sociolinguistique », ajoute Jean-Pierre Chevrot, professeur émérite à l’université Grenoble-Alpes et coauteur de l’étude.

Des nœuds et des liens

Ensuite, sur des fenêtres de cinq ans, les chercheurs ont calculé la fréquence mensuelle d’utilisation d’un mot et constaté que deux dynamiques apparaissaient. Il y a les « mots buzz », comme « masculiste », qui a flambé en huit mois, puis est mort aussi vite. Et les mots marqueurs d’un « changement », dont le succès est plus lent : « malaisante » s’impose en plus d’un an, mais reste très utilisé cinq ans plus tard. « Une des particularités de notre étude par rapport à d’autres est de s’intéresser au français, ainsi qu’aux mots qui n’ont pas marché », signale Louise Tarrade.

La seconde partie de leur travail est plus complexe, mais aussi la plus intéressante pour leur discipline : comment et pourquoi ces mots circulent-ils sur le réseau ? Qui en sont les promoteurs, les premiers adoptants, les relais… ? Le réseau est fait de nœuds, les comptes des utilisateurs, et de liens. Un nœud est relié à un autre si un utilisateur en suit un autre. Ici, le réseau comprend plus de 300 millions de fils connectant les 2,5 millions de nœuds.

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