Quel avenir pour les opérateurs télécoms dans un monde post-Covid ?

Quel avenir pour les opérateurs télécoms dans un monde post-Covid ?


Les opérateurs télécoms seraient-ils les dindons de la farce de la transformation numérique ? Alors que le secteur de l’internet dans son ensemble a enregistré une croissance de 7 % par an entre 2015 et 2020, les services de connectivité des opérateurs télécoms se sont contentés d’une progression de 2 % sur la même période.

Dans son rapport 2022, la commission Avenir des opérateurs télécoms, du think tank Digiworld Institute, enfonce le clou. Elle note que les acteurs de ce marché font face à une stagnation de leurs revenus et à une baisse de leurs marges, alors même que l’explosion du volume de données avec la révolution numérique les contraint à maintenir un haut niveau d’investissement dans leurs réseaux, avec notamment le déploiement de la fibre et de la 5G.

D’après une étude du cabinet Arthur D. Little commandée par la Fédération française des Télécoms (FFT), le niveau d’investissement du secteur des télécoms en France a atteint, en 2021, un niveau historique de près de 15 milliards d’euros, « soit l’équivalent de 900 collèges neufs, ou 150 hôpitaux »

La stratégie du coucou des GAFAM et des OTT

Or, selon la stratégie du coucou, les GAFAM et les plateformes OTT (Over The Top), comme WhatsApp ou Netflix, accaparent l’essentiel de la valeur et de la bande passante, sans participer à cet investissement massif de modernisation du réseau. La monétisation des nouveaux usages est préemptée par ces « Big Tech » tandis que les perspectives de croissance des opérateurs reposent, elles, avant tout sur l’augmentation du nombre d’abonnés.

Alors que la crise de la Covid a mis en avant le rôle crucial des opérateurs, cela ne s’est pas traduit positivement en matière de capitalisation boursière. « Les capitalisations manquent d’optimisme, et l’accès à des capitaux à taux trop élevés limite les investissements dans l’innovation ou dans l’acquisition de nouveaux talents », observe Digiworld Institute.

Comment dès los sortir de ce cercle vicieux ? Le think tank esquisse quelques pistes. La première consiste de se délester d’actifs pour se désendetter ou financer de futurs investissements. La nouvelle directrice générale d’Orange, Christel Heydemann, entend quant à elle recentrer les activités du groupe et en finir avec la diversification initiée par les directions précédentes. Le bouquet de chaînes OCS et la néobanque Hello bank! pourraient sortir du portefeuille de l’opérateur.

Un opérateur peut aussi mutualiser ou céder son infrastructure. Après avoir vendu ses tours télécoms en France et au Portugal, Altice souhaiterait, selon L’informé, mettre en vente 92 datacenters de sa filiale SFR. Fin novembre, Bouygues Telecom annonçait avoir cédé 2 166 pylônes en France à un fonds spécialisé, Antin Infrastructures Partners, pour 205 millions d’euros.

Des services innovants dans le cloud ou le metaverse

A l’inverse, un opérateur peut faire le choix de maintenir l’intégrité de son modèle en combinant une partie des infrastructures, la couche réseau et la distribution de services de connectivité et de communication. Il peut ainsi offrir une large palette de services, répondant aux besoins des différents segments de clientèle. Orange, Verizon, Telefonica ou Vodafone se seraient engagés dans cette voie.

L’approche « 100 % Tech » consiste pour un opérateur à capitaliser sur ses compétences réseau pour proposer de nouveaux services à valeur ajoutée. Sur le marché B to C, on peut citer les abonnements en streaming, le cloud gaming ou le développement du metaverse. En B to B, un opérateur peut surfer sur la tendance du collaboratif (visioconférence, conférence en réalité virtuelle, etc.) ou du cloud (CPaaS, Edge computing). NTT ou Colt suivent cette approche.

Pour la commission de Digiworld Institute, « ces différents scénarios vont co-exister en fonction de la stratégie des opérateurs, de leurs actifs respectifs ainsi que de la réglementation. Chaque opérateur pourra adopter une stratégie différenciée au global et/ou par plaque géographique ».

Un nouveau cadre réglementaire européen favorable

De fait, le rapport rappelle que le marché bénéficie d’un nouveau cadre réglementaire européen favorable. Certaines mesures du Digital Markets Act (DMA) pourraient permettre aux opérateurs de gagner en indépendance vis-à-vis des Big Tech et de les contourner. Ils pourraient par exemple avoir la possibilité de lancer des services cloud basés sur la 5G, ou de proposer leurs propres magasins d’applications (app stores).

Après le DSA et le DMA, la Commission européenne souhaite que les GAFAM contribuent aussi aux frais d’infrastructure engagés par les opérateurs et fournisseurs d’accès à internet (FAI). Une position que partage, bien entendu, la FFF. Il faut, selon la fédération, rétablir des conditions de concurrence équitable entre les acteurs de l’écosystème numérique.

« Les grandes plateformes devraient être sollicitées pour le financement des réseaux qu’ils empruntent et que les opérateurs sont contraints de dimensionner pour éviter leur saturation. » La solution retenue pour aboutir à ce « fair share » devra « être évidemment pleinement conforme aux règles de neutralité d’internet, afin de garantir un internet ouvert et non discriminatoire ». La FFT appelle aussi les acteurs publics à soutenir l’effort d’investissement des opérateurs, « via l’allégement des contraintes réglementaires et fiscales pour le déploiement des nouvelles infrastructures ».

Enfin, la volonté de l’Union européenne de recouvrer sa souveraineté sur ses infrastructures numériques profitera aux opérateurs nationaux. La constitution d’un réseau de câbles sous-marins européen résilient ou le développement d’un cloud souverain avec l’initiative Gaia-X participent de cet enjeu.





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