Il y a encore trois ans, les ShinyHunters n’étaient encore qu’un terme de jargon réservé aux initiés de la communauté des Pokémon, cette saga culte originaire du Japon. Mais à partir d’avril 2020, comme le relève la société de cybersécurité Intel471, un groupe de cybercriminels particulièrement virulent va faire une OPA sur l’expression. Avec des objectifs bien plus sombres que la chasse aux petits monstres : le vol et la vente de données.
Visés par une enquête du FBI, les ShinyHunters ont peut-être connu un sérieux coup d’arrêt judiciaire. Comme dévoilé par L’Obs, Sébastien Raoult, un français de 21 ans, a été interpellé le 31 mai à l’aéroport de Rabat-Salé, au Maroc. Il est visé par une demande d’extradition envoyée par la justice américaine, qui le soupçonne d’être un membre du cybergang et d’avoir participé ainsi à plusieurs piratages informatiques. Selon son avocat, Philippe Ohayon, qui souhaite que le jeune homme soit plutôt jugé en France, Sébastien Raoult encourt désormais une peine d’emprisonnement de 116 ans outre-Atlantique. Soit la somme des peines prévues pour les neuf chefs de prévention visés.
Un important tableau de chasse
Selon un acte d’accusation daté du 23 juin 2021, consulté par Le Monde, les ShinyHunters seraient impliqués dans la vente de données appartenant à plus de soixante entreprises. Soit, selon un second document judiciaire récapitulant les charges contre Sébastien Raoult daté du 10 juin 2022, dont Le Monde a eu également copie, des dégâts se chiffrant en millions de dollars. Un montant estimé plus précisément par Intel471 à « des dizaines de millions de dollars », au vu du tableau de chasse des cybercriminels, qui se sont attaqués, entre autres, à l’application de retouche de photo Pixlr, à l’enseigne de vêtements Bonobos, au service d’édition de PDF Nitro, au site d’e-commerce indonésien Tokopedia ou encore à Big Basket, une entreprise indienne de la grande distribution.
Les développeurs ciblés étaient ainsi d’abord contactés par courriel, avec des messages qui contenaient des liens vers les sites de hameçonnage
Les pirates de ShinyHunters avaient une méthode bien rodée, remarque le FBI. Leur mode opératoire reposait sur le hameçonnage, cette technique consistant à usurper une identité pour tromper sa victime. Les cybercriminels visaient plus particulièrement des utilisateurs de GitHub, une plate-forme rachetée par Microsoft en 2018 qui permet aux développeurs de stocker et de partager des projets informatiques. Les développeurs ciblés étaient ainsi d’abord contactés par courriel, avec des messages qui contenaient des liens vers les sites de hameçonnage. Ces derniers imitaient le portail de connexion de GitHub, ce qui permettait aux attaquants de faire main basse sur les identifiants de leur victime, avant de s’emparer des ressources accessibles. Les cybercriminels profitaient de ce premier accès pour tenter ensuite de rebondir vers le réseau de l’entreprise à laquelle appartenait le développeur visé.
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