Quinze mangas de 2022 à dévorer cet été

Quinze mangas de 2022 à dévorer cet été


Qu’il s’agisse de constituer sa pile de lecture estivale ou de repérer quelques nouveautés sur les stands des nombreux éditeurs présents à Japan Expo, le rassemblement des amateurs de pop culture japonaise qui se tient du 14 au 17 juillet 2022 au Parc des expositions de Villepinte (Seine-Saint-Denis), Pixels vous propose une liste de mangas parus depuis janvier, issus des sélections BD mensuelles du Monde et choisis parmi de plus récentes parutions.

« Fool Night » : une dystopie avec des hommes-plantes

Fool Night détonne parmi la légion de mangas dystopiques avec son récit intime, dans une société où l’obscurité raréfie la flore et l’oxygène. Pour pallier ce manque, une technologie est capable de transformer les volontaires mourants en végétaux. Le temps de la mutation, les « sanctiflores », hybrides hommes-plantes, perdent peu à peu leurs facultés et baragouinent un métalangage. C’est bientôt le sort qui sera réservé à Toshiro, le héros acculé par la pauvreté, qui, paradoxalement, se retrouve mieux considéré depuis qu’il a renoncé à son humanité. Dans des planches où le trait accouple habilement matière organique et végétale, Kasumi Yasuda dissèque l’humain à la lueur du grotesque.

Fool Night, tome 1, de Kasumi Yasuda, traduit du japonais par Hana Kanehisa, Glénat, 228 p., 7,60 €.

Une planche du tome 1 de « Fool Night ».

« Ranking of Kings » : une fable d’apprentissage

Difficile de parier sur le prince Bojji, gringalet naïf qui finit régulièrement en slip dans les allées du royaume à l’issue de rackets. Or, au crépuscule du règne de son père, l’herculéen roi Bosse, il faudra bien choisir entre lui et son demi-frère pour s’asseoir sur le trône. Moqué, perçu comme faible, le petit prince, à force de gentillesse et de détermination, prouve pourtant que la raison du plus bienveillant est toujours la meilleure. Joli phénomène manga né sur Internet de la plume d’un auteur amateur, Ranking of Kings se révèle une fable d’apprentissage grand public pleine de bonté et de courage. Derrière le trait rond et cartoon, de la profondeur et l’héroïsme questionné sans mièvrerie.

Ranking of Kings, tome 1, de Sosuke Toka, traduit du japonais par Sébastien Ludmann, Ki-oon, 228 p., 7,65 €.

« Dai Dark » : de la SF affranchie

Bien que biberonnée à Alien, de Ridley Scott, et The Thing, de John Carpenter, Q Hayashida revendique une SF affranchie de ses poncifs visuels et scénaristiques, à l’équilibre entre autodérision, ingrédients horrifiques et trituration de la matière organique.

Celle qui a d’abord conquis avec sa fantasque et crasseuse série postapocalyptique Dorohedoro, rempile dans Dai Dark avec un univers spatial ténébreux et dangereux qu’arpente un ado de 14 ans vêtu d’un uniforme en décomposition et dont les os recèlent des propriétés magiques. Désossage garanti.

« Dai Dark », tome 1, de Q Hayashida, traduit du japonais par Florent Gorges, Soleil-Delcourt, 208 p., 11,95 €.

« Saturn Return » : les frontières du mal-être

Mangaka talentueuse et sans fard, Akane Torikai livre encore un récit jouant avec les frontières du mal-être et des contradictions de ses personnages. Celui de Ritsuko Kaji, écrivaine devenue femme au foyer qui, après un best-seller, ne parvient pas à coucher sur le papier un nouveau roman.

Car l’intrigue de son succès littéraire est liée à la relation qu’elle avait avec un de ses amis de jeunesse, dont elle s’est éloignée. Quand elle apprend le suicide de ce dernier, elle se retrouve confrontée à son passé. Et se voit tentée de trouver de nouvelles sources d’inspiration dans les replis les plus sombres de celui-là.

Saturn Return, tome 1, d’Akane Torikai, traduit du japonais par Gaëlle Ruel, Akata, 227 p., 8,25 €.

« La Boîte lumineuse » : la supérette de l’au-delà

Aussi typique qu’un temple ou une source d’eau chaude dans l’imaginaire des amateurs du Japon, le konbini, supérette ouverte 24 heures/24, est un lieu banal du quotidien citadin sur l’Archipel. Dans son recueil de courtes histoires, la mangaka Seiko Erisawa a l’astuce d’en faire l’écrin d’une frontière entre le monde des vivants et celui des morts. La clientèle de cet entre-deux ? Des personnes sous pression ou qui s’apprêtaient pour la plupart à renoncer à vivre. A l’image de l’indécis qui doit choisir un goûter pour sa sœur au risque de la perdre définitivement ou de la salariée qui comprend que la vie ne peut pas se résumer à des e-mails de travail, on vient dans ce drôle de purgatoire se libérer de ses choix (ou non-choix) de vie. Non sans loufoquerie.

La Boîte lumineuse, de Seiko Erisawa, traduit du japonais par Miyako Slocombe, Le lézard noir, 192 p., 13 €.

Extrait de la couverture de « La Boîte lumineuse ».

« Manchuria Opium Squad » : itinéraire d’un botaniste-trafiquant

1937. Dans une Mandchourie sous domination japonaise, Isamu Higata, jeune paysan borgne et soldat réformé de l’armée du Guandong, se lance au hasard dans la fabrication d’opium pour nourrir sa famille et la mettre à l’abri du besoin. Et déjà, la machine à broyer se met en marche au sein des camps chinois comme japonais gangrenés par la corruption et l’addiction. Aussi brutal que les gangs qu’il dépeint, ce récit, efficacement dessiné par Shikako, auteur du manga de rugby Full Drum, autopsie l’itinéraire d’un jeune pleutre mais talentueux botaniste qui va se hisser jusqu’à devenir l’empereur des trafiquants.

Manchuria Opium Squad, tome 1, de Tsukasa Monma (scénario) et Shikako (dessin), traduit du japonais par Patrick Alfonsi, Vega-Dupuis, 192 p., 8 €.

« Berserk », tome 41 : l’adieu du maître

Il est des mangas que l’on referme non sans émotion, surtout quand ils sont synonymes pour le lecteur d’une longue attente, d’un dénouement particulier, de la fin d’un cycle entamé il y a plusieurs années. Derniers chapitres dessinés par le génial Kentaro Miura avant sa mort en mai 2021, le tome 41 de Berserk est de ceux-là. Bien que la relève soit assurée par ses assistants du studio Gaga, sous la houlette de son ami Koji Mori, pour offrir un épilogue à la saga, cet album héritage sonne comme l’adieu du maître de la dark fantasy. Il y esquisse les retrouvailles contrariées du héros Guts, le guerrier noir, avec Casca, sortie d’un éternel cauchemar et qui a retrouvé la raison.

Berserk, tome 41, de Kentaro Miura, traduit du japonais par Anne-Sophie Thévenon, Glénat, 180 p. , 6,90 €.

Extrait de la couverture du tome 41 de « Berserk ».

« Léviathan » : ados délaissés dans l’espace

Dans ce manga au dessin sans trame, singulier et minutieux, le bédéaste japonais Shiro Kuroi transpose la pression vécue par les adolescents au sein de la société, à la manière de Battle Royale ou de L’Ecole emportée, de Kazuo Umezu. Dans les confins de la galaxie, une classe en voyage scolaire vers la Terre est sur le point de se massacrer pour survivre après le naufrage de son vaisseau spatial. Des années plus tard, le lecteur entrevoit le sort de ces écoliers livrés à eux-mêmes, à mesure qu’une troupe de pilleurs d’épaves s’introduit dans la nef.

Léviathan, tome 1, de Shiro Kuroi, traduit du japonais par Alex Ponthaut, Ki-oon, 196 p., 9,95 €.

« Rokudenashi Blues » : les voyous aux grands sentiments

C’est une réédition qui se sera fait attendre de nombreuses années par les amateurs francophones de mangas de Furyo, récits de délinquants adolescents identifiables à leurs uniformes scolaires et bananes de rockeurs, dont la violence n’est pas dénuée de principes ou de bons sentiments. Pilier du genre né à la fin des années 1980, Rokudenashi Blues, qui narre les mésaventures de Taison Maeda, petite frappe déterminée à devenir champion de boxe, impressionne par sa galerie de portraits expressifs et réalistes. Sans que son auteur Masanori Morita se prive, dans l’humour et les combats, de la fantaisie prompte à séduire le public ado de son époque.

Rokudenashi Blues, tome 1, de Masanori Morita, traduit du japonais par Pascale Simon, Pika, 338 p. , 16 €.

« Les Enfants d’Hippocrate » : pédiatre cherche son père

Dans ce manga à la croisée de la série médicale et du récit fait de tranches de vie, Toshiya Higashimoto, auteur du très notable thriller fantastique Le Bateau de Thésée (Vega-Dupuis), réitère son attachement à sa natale Hokkaido et son intérêt pour les relations paternelles dysfonctionnelles. Le héros, Maco Suzukake, est un jeune pédiatre brillant mais décalé. Sa sensibilité et son sens du dévouement, à contre-courant des impératifs mercantiles des administrateurs médicaux et des griefs de parents dans une société où la natalité est en berne, vont le conduire à renouer avec son père, chef de clinique repentant.

Les Enfants d’Hippocrate, tomes 1 et 2, de Toshiya Higashimoto, traduit du japonais par Ryoko Akiyama, Mangetsu, 208 p. , 7,95 €.

« Tesla Note » : les jeunes espions et le vieil inventeur

Dans ce récit d’action enlevé mâtiné de fantastique qui sortira en France le 17 août, un duo de jeunes espions se lance sur les traces de cristaux disséminés dans le monde par Nikola Tesla. Les gemmes renferment des pouvoirs que le célèbre inventeur souhaitait cacher en attendant que l’humanité soit prête à les utiliser. Le monde s’apprête à basculer quand ces pierres refont surface et provoquent des catastrophes. Avec une narration et un dessin extrêmement dynamiques, et une relation entre les héros qui n’est pas sans rappeler les buddy movies, les mangakas Masafumi Nishida et Kota Sannomiya offrent un début de série réjouissant et prometteur.

Tesla Note, tome 1, de Masafumi Nishida (scénario) et Kota Sannomiya (dessin) sur une idée de Tadayoshi Kubo, traduit du japonais par Nesrine Mezouane, Vega-Dupuis, 192 p., 7 €.

« Appare Ranman ! » : plus que des bagnoles, des samouraïs et des cowboys

Ceux qui auront lu Renjoh Desperado (Kurokawa, 2018) et Sky Wars (Casterman, 2019) reconnaîtront l’appétit du mangaka Ahndongshik pour tisser des ambiances à la croisée du western et du crépuscule de la période féodale japonaise ou dans l’esprit de Jules Verne. Ici, deux Japonais – un samouraï et un jeune inventeur loufoque – échouent à Los Angeles, à la fin du XIXe siècle, et y découvrent un monde industrialisé, violent aussi, où l’on se passionne pour l’automobile. Sans le sou, sous le feu de la moquerie et des saillies racistes, ils vont décider tout de même de se lancer dans une impitoyable course de voitures reliant la Côte ouest à New York. Une aventure où Les Fous du volant d’Hanna-Barbera flirteraient avec du Tarentino à la sauce steampunk.

Appare Ranman !, tome 1, de Ahndongshik d’après l’œuvre d’Apperacing, traduit du japonais par Pascale Simon, Doki Doki, 196 p., 7,50 €

« Darwin’s Incident » : l’homme à l’épreuve du singe

Le jour où Charlie, créature mi-humaine, mi-chimpanzé et unique fruit d’une expérience génétique, fait son entrée au lycée, il doit affronter non seulement la curiosité mais aussi l’hostilité de certains de ses camarades. En outre, son existence provoque un débat de société. Le climat est d’autant plus tendu que les défenseurs de la cause animale, qui ont commis récemment un attentat, sont aussi ceux qui l’avaient libéré de son laboratoire, quinze ans plus tôt. Face à des personnages relativement manichéens, Charlie, aux capacités physiques et intellectuelles exceptionnelles et mystérieuses, semble surgir comme une sorte d’équilibre dans ce récit à mi-chemin entre le thriller et la discussion politique autour du spécisme.

Darwin’s Incident, tome 1, de Shun Umezawa, traduit du japonais par Frédéric Malet, Kana, 192 p., 7,55 €

« Look Back » : la mélancolie poétique du mangaka

Ceux qui auront découvert le mangaka trentenaire Tatsuki Fujimoto avec sa série postapocalyptique Fire Punch ou son manga déjanté pour adolescents Chainsaw Man ne sont pas au bout de leurs surprises ni des talents de cet auteur.

Avec le one shot Look Back, tout en nuances et saisons qui passent, il explore les désirs de devenir mangaka de deux adolescentes, entre langueur d’un métier où l’on est sans cesse courbé sur sa planche à dessin et fougue de la compétition, mais aussi le décalage avec la société ressenti par les artistes.

Look Back, de Tatsuki Fujimoto, traduit du japonais par Sébastien Ludmann, Kazé, 192 p., 7,29 €.

Couverture de « Look Back » de Tatsuki Fujimoto.

« Planètes » : des éboueurs dans l’espace

Avant de connaître un franc succès avec sa série de vikings Vinland Saga, Makoto Yukimura s’était essayé, au début des années 2000, à un autre genre de conquête : un récit spatial fantastique, mais pour le moins réaliste. Dans Planètes, le mangaka met en scène le quotidien d’éboueurs de l’espace, chargés d’évacuer les débris en orbite autour de la Terre à une époque où des colonies humaines se sont installées sur la Lune et visent Jupiter. Au travers de son trio de héros russo-nippo-américains, il questionne l’ambition, la reproduction des injustices sociales, mais raconte aussi l’intime au cœur de la thermosphère.

Planètes, tome 1, de Makoto Yukimura, traduit du japonais par Xavière Daumarie, Panini, 362 p., 16,99 €.



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.