Le portrait pourrait classiquement commencer par le business : à 56 ans, Reid Hoffman fait partie de la « mafia PayPal », surnom donné à ces jeunes prodiges de la Silicon Valley, qui fondèrent avec Elon Musk et Peter Thiel la firme de paiement et firent le succès de la tech américaine des années 2000.
Cofondateur de LinkedIn en 2002, investisseur aux débuts de Facebook et d’Airbnb, venture capitaliste chez Greylock, ancien membre du conseil d’administration de la société d’intelligence artificielle (IA) OpenAI, Reid Hoffman est à la tête d’une fortune estimée par le magazine Forbes à 2,5 milliards de dollars (environ 2,3 milliards d’euros).
On pourrait poursuivre par la politique : à la différence de ses collègues libertariens, MM. Musk et Thiel, qui ont basculé aux confins de l’extrême droite, Reid Hoffman est un démocrate, qui fait tout pour s’opposer à un second mandat de Donald Trump : ainsi a-t-il contribué – en vain – à la campagne de son adversaire à la primaire républicaine Nikki Haley et financé – avec succès – le procès en diffamation intenté par l’ancienne journaliste du magazine Elle, E. Jean Carroll, qui accuse Donald Trump de l’avoir violée.
Mais on a choisi d’engager la conversation par la philosophie, lors d’une rencontre d’une heure dans un hôtel chic au cœur de Manhattan, à New York. En ces temps de décollage de l’IA, Reid Hoffman estime que la technologie forge les générations et il fait partie de ceux qui veulent accélérer. « Quand on a inventé la machine à vapeur, on a créé la classe ouvrière et la classe moyenne. On ne veut pas retourner à la société de paysans. La génération qui grandit le fait avec l’intelligence artificielle. Les plus vieux s’inquiètent, mon Dieu, c’est neuf, c’est étranger. Les jeunes trouvent que c’est sympa, se disent : “Voyons ce que je peux en faire.” »
Dans un récent discours à l’université de Bologne (Italie), la plus vieille d’Europe, Reid Hoffman a comparé les temps actuels à la Renaissance, évoquant une « approche de la technologie profondément humaniste » : « Nous formons notre technologie qui, en retour, nous façonne et nous voulons le faire dans une direction qui nous rend plus humains. »
Bien sûr, les craintes sont évoquées. « Hollywood met toujours en scène l’homme contre la machine, et c’est toujours la machine la méchante », qu’il s’agisse de Terminator (1984), de James Cameron, avec Arnold Schwarzenegger, ou de HAL 9000, l’ordinateur d’IBM dans 2001 : l’odyssée de l’espace (1968), de Stanley Kubrick. Par le passé, l’innovation dérangea, tel le télescope de Galilée ou l’automobile, qui effrayait tant que « les gens agitaient des drapeaux orange à son passage ». Avant que les vertus de ces progrès ne soient exploitées.
Il vous reste 72.56% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.