Le 5 septembre, des commerçants utilisant la plate-forme Etsy inaugureront une « guilde des vendeurs indépendants », une association dont les missions sont comparables à celles d’un syndicat sans en avoir la structure juridique. Derrière ce regroupement, inédit pour ce site américain de vente d’articles artisanaux et de seconde main : un noyau dur de vendeurs mécontents des règles régissant leur activité sur la plate-forme.
Ces derniers ont déjà mené une première bataille en avril dernier, revendiquant avoir mené 30 000 vendeurs à la grève. La mobilisation a poussé Etsy, quelques semaines plus tard, à annoncer un train de réformes, dont la plupart figuraient parmi leurs revendications, à l’instar de l’abaissement des conditions nécessaires pour intégrer le programme « vendeurs stars », comme le nombre de ventes réalisées récemment ou la moyenne des notes attribuées par les clients.
Leur objectif principal, expliqué sur leur site Internet déjà en ligne : défendre les intérêts des vendeurs indépendants et indispensables au fonctionnement de cette place de marché, qui est bénéficiaire, en croissance, et réalise plus de deux milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel.
Lutter contre l’ « amazonification »
Parmi les chantiers prioritaires de ce syndicat d’un nouveau genre, présentés au média américain The Verge : l’abaissement des commissions prélevées par Etsy et l’exclusion des marchands qui pratiquent le dropshipping, une activité théoriquement interdite par la plate-forme, mais tolérée en pratique, selon les militants. Cette technique consiste à écouler les articles d’autres marchands en jouant les intermédiaires dématérialisés, sans faire de stock. La guilde entend aussi devenir un lieu de partage de connaissance, à travers des blogs, un forum Reddit et une messagerie Discord, où les vendeurs échangeraient leurs bonnes pratiques et des formations aux nouveaux médias.
Avant même d’être lancée officiellement, l’organisation compte déjà 2 000 inscrits. Un chiffre toutefois modeste comparé aux 7,7 millions de marchands revendiqués par Etsy. N’importe quel commerçant ayant un compte sur la plate-forme peut s’y inscrire, et ce quelque soit son pays d’origine, à condition de parler anglais. Pour le moment, les organisateurs de la guilde ne prévoient pas de frais d’adhésion. Pour accéder aux droits de vote qui permettront d’élire les membres du prochain bureau, chaque nouvel adhérent devra toutefois prouver auprès de la guilde son statut de vendeur, avec photos attestant que son activité est liée à de la création artisanale ou de la revente de seconde main, et non du dropshipping.
Dans son manifeste, la guilde n’exclut pas, par ailleurs, de défendre les vendeurs d’autres places de marché, et déclare vouloir lutter contre l’ « amazonification » des places de marché en ligne.
Très peu de vendeurs Etsy gagnent réellement leur vie grâce au site : en France par exemple, seulement 1 % des vendeurs touchent plus du smic, selon les recherches de la sociologue Anne Jourdain, évoquées dans un article de recherche intitulé « Faites de votre passion un métier ». Parmi les vendeurs, qui sont très majoritairement des femmes, on trouve notamment des « mompreneurs » (contraction de « mère » et « entrepreneur » en anglais), des mères de famille qui décident d’abandonner leur activité salariée et deviennent autoentrepreneuses, ouvrent une petite boutique en ligne pour mieux concilier vie privée et vie de famille.
Les commerçants d’Etsy rejoignent la liste d’autres travailleurs indépendants qui ont pu se mobiliser collectivement en France, en Angleterre ou aux Etats-Unis, comme les chauffeurs indépendants de VTC officiant pour Uber ou les livreurs Deliveroo.