En 1989, l’Américain Jordan Mechner proposait, avec Prince of Persia, d’évoluer dans un sombre labyrinthe rempli de pièges et de gardes jouant du sabre. Si, au cours d’une poignée de titres, Son Altesse connaît diverses péripéties, dont un passage malheureux à la 3D, son destin change au tournant du siècle quand l’éditeur français Ubisoft s’offre la licence.
Le prince ressuscité en 2003 dans Les Sables du temps est désormais ténébreux et peut manipuler le temps. Cependant, après une demi-douzaine d’épisodes développés à Montréal, un long hiatus débute en 2010 pour la saga, Ubisoft étant certainement occupé à dorloter d’autres acrobates moyen-orientaux, ceux d’Assassin’s Creed, devenus entre-temps bien plus populaires.
Une éternité plus tard, en 2024, Prince of Persia est enfin de retour avec The Lost Crown (disponible à partir du 18 janvier sur toutes les plates-formes), développé par Ubisoft Montpellier. On y incarne Sargon, jeune prodige de la garde, envoyé par la reine pour retrouver son fils, caché au sommet d’une montagne sur lequel est bâti un vaste palais. Si le retour à une action en deux dimensions peut évoquer une forme de retour aux sources, il n’en est rien : ce nouveau cru prend la forme inédite d’un « metroidvania ».
Château des sables
Ce mot-valise, qui mélange deux classiques du jeu d’action teinté d’exploration (Metroid et Castlevania), désigne un genre où le protagoniste évolue dans un unique et monumental niveau aux nombreux embranchements. Au gré des pouvoirs glanés en chemin, on revisite certains lieux afin de découvrir des passages auparavant inaccessibles. Parcourir ce gigantesque environnement divisé en plusieurs régions (le palais, une forêt, un vieux port abandonné…) est bien le centre de l’intérêt de ce Prince of Persia.
La carte que l’on dessine, malgré la complexité du monde, relève d’une formidable clarté. On finit toujours par deviner où il faut se rendre, comment y arriver, le tout en étant persuadé d’être le seul responsable de notre réussite. On note aussi la délicate attention des développeurs qui fournissent différents outils permettant de révéler de façon plus ou moins radicale, à ceux qui en auraient besoin, l’emplacement exact de la suite de l’aventure. De manière générale, ce titre abat un excellent travail en termes d’accessibilité, proposant nombre de paramètres ayant trait à l’affichage où à la difficulté, tout à fait modulables.
Quant à Sargon, le contrôler relève du jubilatoire. Le système de combat, bien que simple à prendre en main, sait quand même proposer de la profondeur et permet aux plus assidus la réalisation de quelques combos très satisfaisants à sortir. Jusqu’au bout de l’aventure, on ne badine pas avec le moindre affrontement, qui peut rapidement tourner au vinaigre si on n’est pas concentré. Sans parler des boss, retors, qui requièrent un placement fin du personnage afin de passer entre les gouttes de certaines techniques qui peuvent occuper tout l’écran.
Grand prince
Si l’on retrouve dans ce Prince of Persia quelque chose de l’original de 1989 comme de son reboot de 2003, c’est dans sa façon d’encourager et de récompenser l’audace et le mouvement. Sargon bouge bien, grimpe vite, virevolte d’un mur à l’autre, attrape le mât d’un drapeau pour se relancer vers les cieux. Les pouvoirs glanés au fil de l’aventure viennent ensuite se combiner à ces capacités d’acrobates pour permettre de véritables ballets aériens durant lesquels on peut passer parfois une minute entière sans avoir à toucher le sol – on parle ici, par exemple, de la possibilité de se téléporter jusqu’à une position antérieure ou de charger brusquement dans les airs.
Et si la palette de mouvements grandit, les défis proposés par certains corridors deviennent vite intimidants, bardés de pics mobiles, de pièges et de plateaux instables. Mais qu’à cela ne tienne : on y revient systématiquement tant la quête de la maîtrise parfaite de cette chorégraphie aérienne est gratifiante. De la plate-forme réellement glorieuse.
Au bout du compte, la recette du « metroidvania » sied si bien à Prince of Persia qu’on regretterait presque qu’Ubisoft n’y ait pas pensé avant. Certainement, d’autres titres respectés du genre sortis entre-temps, comme Axiom Verge, Hollow Knight ou Metroid Dread, auront inspiré cet incroyable coup de jeune qu’on n’attendait absolument pas, mais qui laisse rêveur pour l’avenir de la série.
L’avis de Pixels
On a aimé :
- Contrôler cet acrobate de Sargon et le faire virevolter dans tous les sens ;
- L’exploration jouissive de ce monde dans lequel on ne se perd jamais vraiment ;
- Les combats toujours tendus, mais jamais frustrants.
On a moins aimé :
- L’absence d’une minicarte, qui aurait donné davantage de fluidité à l’expérience ;
- Les combats de boss, pas honteux, mais pas toujours mémorables.
C’est plutôt pour vous, si :
- Vous cherchez désespérément quelque chose pour passer le temps en attendant Hollow Knight : Silksong.
Ce n’est plutôt pas pour vous, si :
- Vous tenez absolument à jouer un prince (pas de chance, ici, on doit simplement le sauver).
La note de Pixels :
- 70 772 grains de sable sur les 83 261 dans le sablier