Quel rapport y a-t-il entre l’étude des satellites et les diagnostics de rejet de greffe du rein ? La science des données. Daniel Yoo, occupé comme datascientist à faire de l’apprentissage machine sur le positionnement des satellites pour l’armée de l’air sud-coréenne jusqu’en 2018, est le premier signataire d’une étude publiée le 4 mai dans Nature Medicine sur un assistant informatique automatisé qui corrige les diagnostics de rejet de greffon après une transplantation de rein.
Cet outil, testé sur 4 409 biopsies de 3 054 patients greffés suivis dans vingt centres de référence pour la transplantation en Europe et en Amérique du Nord, a montré que près de 45 % des diagnostics de rejet faits par les médecins étaient erronés. « Des diagnostics imparfaits au regard des critères de la classification internationale », préfère dire le professeur de néphrologie et d’épidémiologie Alexandre Loupy (Inserm, université Paris Cité, AP-HP), que Daniel Yoo a rejoint au sein de l’équipe qui a travaillé pendant cinq ans sur ce projet.
L’objectif assigné par ce médecin de l’hôpital Necker aux experts en transplantation, néphrologie, anatomopathologie, science des données, épidémiologie et intelligence artificielle réunis dans un consortium international était de trouver un outil permettant de sécuriser les diagnostics de rejet. Depuis 1991, il existe bien la classification internationale de Banff, du nom de la bourgade canadienne où elle a été établie lors d’un congrès de médecins. Cette référence permet, à partir d’une biopsie du rein et des autres résultats d’analyse, d’établir un diagnostic sur le rejet du greffon. Et d’adapter le traitement immunosuppresseur (antirejet) du patient.
« Ces vingt dernières années, la progression des connaissances de la maladie, le rejet du greffon, nous a fait découvrir qu’elle [était] beaucoup plus complexe qu’on le pensait », explique Alexandre Loupy. Les causes d’un rejet sont variées, même si elles reposent sur le principe général d’un système immunitaire focalisé sur l’élimination du corps étranger. Au gré de l’amélioration de la classification par l’ajout de critères pour affiner le diagnostic, l’outil s’est complexifié. « Or, la qualité du diagnostic, pierre angulaire de notre métier, permet d’avoir le bon traitement, au bon moment, pour la bonne personne », ajoute le néphrologue.
Elaborer un outil compagnon
Les quatre premières années de travaux ont été consacrées à nourrir l’algorithme de données et à élaborer un outil compagnon. La cinquième a permis de le tester dans le cadre d’une étude prospective dans laquelle les médecins ne savaient pas que leur diagnostic serait comparé à celui d’une machine. Le taux de diagnostics inexacts a tout de même surpris l’équipe. « Ça va dans tous les sens, constate Alexandre Loupy, avec des scénarios de patients diagnostiqués “rejet” à tort qui suivent des traitements immunosuppresseurs lourds pour rien, avec les conséquences que l’on sait sur les maladies infectieuses et les cancers, ou de patients diagnostiqués “non-rejet” alors que c’étaient d’authentiques rejets et qu’ils n’ont pas bénéficié d’un traitement assurant une bonne survie de leur greffon. »
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