Un collectif marseillais dénonce l’emprise des datacenters sur le …

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Avec l’essor des usages numériques et surtout de l’IA générative, les datacenters sont appelés à se multiplier sur le territoire. Alors que la France comptait environ 250 datacenters en 2022, ce nombre devrait augmenter de 11 % par an durant les dix prochaines années selon une étude de EY. Pour faire sortir de terre ces fermes de serveurs, les gestionnaires de centers de données prévoient d’investir 12 milliards d’euros durant cette période.

En fait, ces datacenters se concentrent dans les « hubs » de la région Ile-de-France et de la métropole de Marseille comme le rappelle le collectif marseillais « Le Nuage était sous nos pieds », affilié à La Quadrature du Net, dans une enquête très fouillée. De tout temps tourné vers le monde avec son port, Marseille continue à faire du commerce international mais il s’agit là de trafic de données.

16 câbles sous-marins partant de la cité phocéenne reliant l’Europe à l’Asie, le Moyen Orient, l’Afrique, aux États-Unis. « Les géants du numérique — Google, Facebook/Meta, Microsoft et Amazon — sont désormais les premiers financeurs et les acteurs principaux des projets de déploiement de ces câbles sous-marins intercontinentaux. »

Marseille, au cœur du trafic de données

Cette densité exceptionnelle d’artères vitales à l’internet mondial attire des opérateurs télécom, comme Verizon et Orange, et des gestionnaires de datacenters qui hébergent les serveurs de ces GAFAM. « Depuis une dizaine d’années, et de façon accélérée depuis 2020, une douzaine de datacenters ont été construits un peu partout dans Marseille intra-muros, et plusieurs nouveaux sont en chantier ou annoncés dans la ville et aux alentours », observe le collectif.

Le groupe américain Digital Realty possède, à lui seul, quatre datacenters – MRS1, MRS2, MRS3, MRS4 – et est en train d’en construire un cinquième, MRS5, tous situés dans l’enceinte du Grand Port Maritime de Marseille (GPMM). Les autres centres de données marseillais sont souvent situés au nord de Marseille. « Le Nuage était sous nos pieds » les a cartographiés sur une carte libre et collaborative.

Pour faciliter leur implantation et faire de la France une « datacenter nation », les gestionnaires de ces fermes de serveurs bénéficient d’incitations fiscales comme une taxe intérieure de consommation finale d’électricité (TICFE) divisée par deux. Dans le cadre de son plan d’action de simplification, le précédent gouvernement prévoyait de qualifier les centres de données de projet d’intérêt national majeur (PINM).

« L’implantation des data centers se fait de façon opportuniste, tirant avantage des spécificités de chaque territoire », note l’enquête. Établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), le Grand Port Maritime de Marseille « trouve dans ces projets d’entrepôts de données numériques une opportunité de mutation lucrative pour son patrimoine immobilier, autrefois occupé par des activités portuaires en déclin. »

Pollution des nappes phréatiques et risques d’incendie

Ces implantations à tout va n’ont toutefois rien de neutre. Usine du cloud, un datacenter « n’a rien de nuageux, de léger ou de vaporeux. » Les centaines voire les milliers de serveurs qu’il héberge consomment de grandes capacités d’électricité tout en dégageant de la chaleur en continu. Des systèmes de climatisation et de refroidissement fonctionnent en permanence pour ne pas dépasser une température de l’air ambiant de 23 à 25 degrés.

« En plus d’être raccordés au réseau électrique, les datacenters disposent de groupes électrogènes et de cuves de fioul prêts à prendre la relève en cas de coupure d’électricité, et de batteries et accumulateurs d’énergie censés assurer les quelques secondes de passage entre réseau électrique et groupes électrogènes. »

Ces alimentations de secours constituent des risques de pollution des nappes phréatiques mais aussi d’incendies. Les feux de batteries au lithium sont particulièrement difficiles et long à éteindre comme on pu le constater lors de l’incendie des deux datacenters d’OVHcloud à Strasbourg, en 2021.

Fuites de gaz fluorés et réchauffement de l’eau de mer

Le collectif évoque également des « fuites répétées de gaz fluorés à fort potentiel de réchauffement climatique » s’agissant des datacenters de Digital Realty. Il dénonce aussi la technique du « river cooling » qui constitue à utiliser un courant d’eau pour refroidir les serveurs puis le repartir réchauffé. En 2018, le même Digital Realty a ainsi « obtenu de la Préfecture l’autorisation de détourner pour une durée de sept ans les eaux de la cunette de la Galerie à la Mer ». Détournement qui aurait été financé, en partie, par des subventions publiques.

Pour le collectif, « la question des eaux réchauffées par ces datacenters et renvoyées dans le milieu marin, dans un contexte où le réchauffement des mers entraîne des taux de mortalité importants dans les communautés biotiques sous-marines, n’est pas prise en compte. Aucun suivi ni mesures sérieuses des effets de ce rejet ne sont aujourd’hui publiées. »

L’enquête pointe aussi du doigt l’accaparement de l’énergie électrique des opérateurs de datacenters au détriment de projets d’intérêt commun à urgence environnementale. Les opérateurs de datacenters utilisent l’électricité que les gestionnaires de réseau, RTE et Enedis, « sont en capacité d’acheminer à Marseille, avec les infrastructures électriques actuelles ».

« Grille-pains en surchauffe »

Se pose, par ailleurs, la question de la chaleur rejetée dans l’air par ces « grille-pains en surchauffe » « Dans une ville au climat chaud comme Marseille, sujette à des épisodes caniculaires de plus en plus nombreux, il est inquiétant de continuer à ignorer ce problème qui devient vital », juge le collectif. S’il est possible de recycler cette chaleur fatale – c’est-à-dire l’énergie thermique qui est ni récupérée, ni valorisée – pour chauffer des logements, des bureaux ou des piscines, cela ne peut se faire qu’à proximité du datacenter. L’enquête parle de greenwashing.

Enfin, le collectif évoque l’empreinte environnementale et géopolitique « des puces des processeurs et des cartes graphiques que ces datacenters renferment par milliers. » Leur fabrication nécessite de grands volumes d’eau et l’extraction de terres rares et de nombreux minéraux.

L’exploitation de ressources rares a aussi des impacts géopolitiques. Terre d’extraction du cobalt, de coltan, du cuivre ou d’or, la République démocratique du Congo « dénonce depuis des années un extractivisme sans scrupules de minéraux stratégiques pour nos industries numérique » Cette exploitation se fait dans des conditions de travail « inhumaines » et engendre de nombreux conflits sur place. Après le « blood diamond » doit-on parler de « blood digital » ?



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