Dans un article du site d’actus tech 404, le journaliste Jason Koebler présente le projet DeFlock créé par Will Freeman. Ce dernier a remarqué, en s’installant dans l’État d’Alabama, la présence de nombreuses caméras de lecture de plaques d’immatriculation: «J’ai commencé à en voir partout, et j’ai réalisé que ces lecteurs étaient destinés à la police. Et ça ne me plaisait pas.»
Des milliers de caméras
A Huntsville (Alabama), Freeman a trouvé des caméras de marque Flock (en français, « troupeau » ou « foule »), un des grands fournisseurs du secteur, qui promet d’«éliminer complètement la criminalité» grâce aux caméras et à la vidéosurveillance connectée. Il a aussi observé des caméras fabriquées par Motorola, et d’autres d’Avigilon, elle-même une filiale de Motorola. Toutes ces caméras «sont désormais présentes dans des milliers de quartiers à travers le pays. Beaucoup de ces systèmes communiquent entre eux et se connectent à d’autres systèmes de surveillance, ce qui permet de suivre les gens dans tout le pays», explique l’article de 404.
Après avoir comptabilisé des dizaines de caméras en quelques jours au volant, Freeman s’est dit qu’il pourrait créer une base de données de ces lecteurs automatiques. Il a créé une carte appelée DeFlock en s’appuyant sur la cartographique libre d’OpenStreetMap, puis a fait de la publicité pour son projet sur les poteaux de ces caméras dans Huntsville, et mi-octobre sur la section de Reddit dédiée à la ville, récoltant ainsi d’autres participants. Le site est ainsi passé en une semaine de quelques dizaines de caméras, à Huntsville, en Califonrie et près de Seattle, aux «emplacement de milliers de caméras dans des dizaines de villes à travers les Etats-Unis et le monde», souligne 404:
«Lorsque j’ai parlé pour la première fois à Freeman, DeFlock avait cartographié quelques dizaines de caméras à Huntsville et une poignée dans le sud de la Californie et dans les banlieues de Seattle. Une semaine plus tard, au moment où j’écris ces lignes, DeFlock a collecté les emplacements de milliers de caméras dans des dizaines de villes à travers les États-Unis et le monde: plus de 1.700 aux Etats-Unis et plus de 5.600 dans le monde.»
L’usage croissant de ces lecteurs pose un problème de libertés publiques, estime une association américaine, l’Institute for Justice, qui a déposé un recours en justice contre la compagnie Flock: pour l’association, l’impossibilité sur certains trajets d’échapper à cette surveillance continue est inconstitutionnelle et serait contraire au 4e Amendement de la Constitution des Etats-Unis (qui protège contre les perquisitions et saisies sans mandat).
Une recherche rapide sur DeFlock ne montre pas de caméras en France et peu en Europe, sans doute faute pour l’instant de contributeurs. Ces caméras dites LAPI caméras dites « LAPI », pour « lecture automatique de plaque d’immatriculation » sont pourtant bien présentes en Europe. En 2019, le Parti pirate allemand a ainsi publié une carte de 15 emplacements de ces lecteurs automatiques.
En France, ce type de caméras est installé sur des voitures banalisées ou en site fixe. Elles servent à la verbalisation (pour stationnement non payé, et rien d’autre, a averti la CNIL en 2020) et au repérage de véhicules volés (exemples dès 2007, citait ZDNet en janvier 2008).
Des centaines de capteurs bientôt centralisés
Le ministère de l’Economie et des Finances et celui de l’Intérieur ont saisi la CNIL d’une demande d’avis sur un projet d’arrêté portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «Système de traitement central LAPI» (STCL).
«Le projet d’arrêté crée un nouveau traitement qui centralise les données collectées par les LAPI déployés sur l’ensemble du territoire afin d’améliorer l’efficacité opérationnelle de ces dispositifs. Les données collectées, les mises en relation projetées et les durées de conservation visent à optimiser la localisation des véhicules volés, recherchés ou dont les conducteurs ont commis des infractions au code de la route », indique la Commission, qui a rendu sa délibération le 13 juin 2024 (parue au Journal officiel du 17 octobre 2024).
«A titre indicatif, le ministère a fourni les chiffres d’un capteur LAPI en activité: à chaque instant, la base de données de ce capteur spécifique contient en moyenne les enregistrements temporaires relatifs à 90.000 véhicules distincts, pour un total de 3,3 millions d’enregistrements réalisés par ce capteur sur un an. Le ministère prévoit que le STCL pourra centraliser les données de plusieurs centaines de capteurs. La CNIL estime que, du fait du nombre important de véhicules concernés par ces enregistrements réalisés en prévision d’une éventuelle correspondance, ce traitement est susceptible de porter atteinte aux droits et libertés des personnes concernées.
En raison de l’ampleur du traitement, de ses impacts potentiels sur la vie privée du fait du nombre important de véhicules pouvant être concernés et du territoire couvert par l’ensemble des dispositifs LAPI, ainsi que de la centralisation des données réalisée par un traitement déployé sur l’ensemble du territoire (près de 675 capteurs à ce jour), la CNIL estime qu’une attention particulière doit être portée à tous les aspects de la mise en œuvre d’un tel dispositif. Cette vigilance implique par exemple le renforcement des mesures de sécurité afin de prévenir le risque de toute violation de données.»
Illustration en haut de page: caméra de lecture automatique de plaque d’immatriculation, photo Mbrickn / Wikimedia Commons / CC by
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