Une décision de la Cour suprême des Etats-Unis inquiète le monde de l’art

Une décision de la Cour suprême des Etats-Unis inquiète le monde de l’art


C’est la victoire de David contre Goliath, d’une photographe peu connue contre une star du marché. A sept voix contre deux, les juges de la Cour suprême des Etats-Unis ont condamné, jeudi 18 mai, la Fondation Andy Warhol pour les arts visuels à verser des droits d’auteur à la photographe américaine Lynn Goldsmith. « Les œuvres de Goldsmith, comme celles d’autres photographes, ont droit à la protection du droit d’auteur, même contre des artistes célèbres », a ainsi notifié la juge Sonia Sotomayor dans une sentence que le monde de l’art guettait avec fébrilité.

L’histoire débute en 1984, quand Andy Warhol (1928-1987), sollicité pour un portrait du chanteur Prince (1958-2016) pour le magazine Vanity Fair, réalise une œuvre d’après une photo de la star, prise par Lynn Goldsmith. La photographe perçoit alors 400 dollars. Warhol recadre, agrandit et colore l’image, comme il l’a fait précédemment avec ses portraits d’Elizabeth Taylor ou de Marilyn Monroe, livrant un Prince à la peau violette, clin d’œil à son tube planétaire Purple Rain, sur fond orange.

Ce qu’ignore alors Lynn Goldsmith, c’est que Warhol avait décliné la même image seize fois, en modifiant les couleurs. Elle n’en prend connaissance qu’à la mort du chanteur, lorsqu’une sérigraphie, cette fois entièrement orange, est publiée, de nouveau dans Vanity Fair. La Fondation Warhol, qui gère la mémoire de l’artiste du pop art, perçoit 10 250 dollars du magazine, mais Lynn Goldsmith, pas un cent.

Notion de « fair use »

Lorsque cette dernière réclame des droits, la Fondation Warhol s’y refuse, invoquant le fair use, « usage loyal » qui autorise un artiste à travailler à partir d’une œuvre existante, à partir du moment où il y apporte des modifications significatives. Mais, pour que l’emprunt soit tenu pour légitime, il faut que l’artiste ait produit une œuvre vraiment nouvelle. Dans le cas du Prince de Warhol, les juges ont estimé que ce n’était pas le cas.

Aux Etats-Unis, la notion de fair use étant laissée à l’appréciation des juges, la jurisprudence américaine ne permet guère de définir une doctrine. Jeff Koons a ainsi perdu, en 1992, le procès qui l’opposait au photographe Art Rogers, ce dernier l’accusant de s’être inspiré, sans l’avoir rétribué, d’une de ses photos, représentant un couple béat devant une portée de chiots, pour réaliser sa sculpture String of Puppies.

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En revanche, il a gagné, en 2006, celui que lui intentait une autre photographe, Andrea Blanch. Un cas aura particulièrement fait couler de l’encre, celui du photographe français Patrick Cariou, qui a perdu en appel, en 2013, contre la star américaine Richard Prince, qu’il accusait d’utiliser ses photos de rastas jamaïcains dans une série d’œuvres, « Canal Zone », sans les transformer de façon notable.

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