Une centaine d’opérateurs en Europe pour 447 millions de citoyens. Trois aux Etats-Unis pour 331 millions d’habitants. Le même chiffre en Chine pour 1,4 milliard de personnes. Les groupes européens de télécoms aiment brandir ces statistiques pour se plaindre de règles qui les empêcheraient de jouer à armes égales avec leurs homologues américains ou asiatiques.
Les opérateurs ne cessent de rappeler que, dans une industrie aux coûts fixes, la taille est essentielle pour rentabiliser les investissements dans la 5G et la fibre optique. « Un quart seulement des Européens ont accès à la 5G. En Chine, la couverture est de 65 %, et elle est de 87 % aux Etats-Unis », appuie Franck Bouétard, PDG pour la France de l’équipementier télécoms Ericsson, pour illustrer ce handicap.
Ces arguments commencent à faire leur chemin. « Il est temps que nous ayons une discussion sérieuse sur les éventuels obstacles à la consolidation transfrontalière des fournisseurs de communications électroniques dans l’Union européenne, ainsi que sur les avantages d’un marché intégré du spectre radioélectrique », a lancé le 27 février Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur et au numérique, lors du Mobile World Congress de Barcelone (Espagne).
Ces deux thèmes figurent dans la consultation ouverte le 23 février par M. Breton, en plus de celui sur la contribution des groupes de numérique au financement des réseaux. L’idée d’une consolidation chemine aussi dans l’esprit de sa consœur à la concurrence, Margrethe Vestager : « L’Europe a besoin d’acteurs véritablement paneuropéens et d’un marché unique des télécoms », appuient ses services.
Un rapprochement transfrontalier génère-t-il vraiment des économies si les deux opérateurs n’ont pas de réseau à mettre en commun pour partager les coûts ? Un mariage entre deux groupes d’un même pays, comme celui tenté par Bouygues Telecom et Orange en 2016, est bien plus puissant. Mais, sur ce point, la commissaire européenne, qui s’était opposée en 2015 à la fusion au Danemark entre TeliaSonera et Telenor, et l’année suivante à celle des britanniques Hutchison et O2, se montre toujours aussi méfiante, craignant une flambée du prix des forfaits, encore plus « dans le contexte actuel d’inflation croissante », rappelle sa porte-parole.
« Concept de champion national »
La décision de la Commission sur le projet de rapprochement entre Orange Espagne et MasMovil, annoncé en 2022 mais notifié mi-février à Bruxelles, servira de test pour la doctrine européenne. L’opération ferait mécaniquement disparaître un des quatre grands acteurs du pays. « Il n’y a pas de nombre magique d’opérateurs par pays et cela signifie que nous devons trouver un équilibre entre les effets anticoncurrentiels d’une moindre concurrence et les gains d’efficacité potentiels », expliquent les services de Mme Vestager. La décision est attendue au second semestre 2023.
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