La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), tribunal de dernière instance, s’est prononcée mardi 10 septembre dans deux dossiers aux lourds enjeux financiers pour Google et Apple. Elle a confirmé, dans des arrêts très attendus, une amende de 2,4 milliards d’euros infligée à Google en 2017 par la Commission européenne pour pratiques anticoncurrentielles, et remis en cause un rabais fiscal de 13 milliards d’euros accordé à Apple en Irlande.
Concernant Google, il s’agit de la deuxième plus lourde sanction financière jamais imposée par l’UE dans un dossier antitrust, pour avoir, selon la cour, « abusé de sa position dominante en favorisant son propre service de comparaison de produits ». L’affaire avait débuté en 2010 avec l’ouverture d’une enquête de Bruxelles consécutive à des plaintes de concurrents. L’entreprise de Mountain View était accusée d’avoir favorisé, dans son moteur de recherche, son comparateur de prix Google Shopping en rendant ses concurrents pratiquement invisibles pour les consommateurs. Elle avait été contrainte de modifier l’affichage des résultats de recherches de son comparateur afin de se conformer aux exigences européennes.
Saisi par le grand groupe californien, la CJUE avait une première fois donné raison à la Commission, dans un jugement prononcé en novembre 2021. Google avait formé un nouveau pourvoi, réclamant l’annulation de l’amende. En vain.
Ce dossier est l’un des gros contentieux ouverts par Bruxelles à l’encontre de Google, qui détient le record des deux plus grosses amendes jamais infligées par l’exécutif européen pour pratiques anticoncurrentielles. Celle de 2,4 milliards au sujet de Google Shopping représentait un montant record à l’époque où elle a été prononcée. Elle a été dépassée en 2018 par une autre de 4,3 milliards sanctionnant un abus de position dominante du système d’exploitation Android pour téléphones mobiles. Au total, Google s’est vu infliger plus de 8 milliards d’euros d’amendes par la Commission européenne pour diverses entorses à la concurrence.
Apple a bénéficié d’une « aide illégale »
La justice européenne a également, mardi 10 septembre, définitivement donné raison à la Commission européenne contre Apple, dans une affaire remontant à 2016. Celle-ci accusait l’entreprise américaine d’avoir rapatrié en Irlande, entre 2003 et 2014, l’ensemble des revenus engendrés en Europe (ainsi qu’en Afrique, au Moyen-Orient et en Inde), car elle y bénéficiait d’un traitement fiscal favorable grâce à un accord passé avec les autorités de Dublin. Le groupe a ainsi échappé à la quasi-totalité des impôts dont il aurait dû s’acquitter sur cette période, soit environ 13 milliards d’euros, selon les calculs de la Commission. Un avantage constituant pour Bruxelles une aide d’Etat illégale, puisque aux dépens d’autres entreprises soumises à des conditions moins favorables.
En première instance, le Tribunal de l’UE avait annulé en 2020 la décision de l’exécutif européen – un revers retentissant alors infligé à la commissaire à la concurrence, Margrethe Vestager, responsable du dossier. Mais la Commission avait formé un pourvoi auprès de la CJUE. Cette dernière a finalement renversé le premier jugement de 2020, estimant que « l’Irlande a accordé à Apple une aide illégale que cet Etat est tenu de récupérer ». Apple devra donc rembourser les 13 milliards d’euros à l’Irlande, comme l’avait initialement décidé Bruxelles.