Dans un immense manoir, Elea est retenue contre son gré par Aleksander, un homme d’affaires puissant à la tête d’un réseau de cybercriminels. Elle subit des tortures, dort dans une cage, est presque noyée dans un bain d’eau glacée et se fait poignarder la main. Le tout pour qu’elle révèle ses secrets à son tortionnaire. Pourtant, ces intrigues conduisent à une histoire d’amour passionnée entre les deux protagonistes. Un bon vieux syndrome de Stockholm.
Ce livre intitulé Games Tome 1. Le croque-mitaine (Chatterley), de l’autrice Okéanos S., appartient au genre littéraire de la dark romance. « Des histoires d’amour sombres qui flirtent avec les limites de la morale et de l’interdit, ici romance rime avec violence », peut-on lire sur le site des éditions BMR (Hachette), en guise de définition.
« L’idée est de pousser les curseurs de la passion plus loin avec une figure de masculinité toxique qu’on essaie de sauver malgré elle », décrypte Glenn Tavennec, directeur du label de romans populaires Verso (Seuil). Ces histoires violentes utilisent, selon lui, les « clichés » et la « fascination absolue de l’homme violent et de la femme soumise ». Un schéma qui se répète presque à l’identique dans chaque livre.
Succès commercial
Lectrice assidue, Angélina, 21 ans, parle plutôt d’une attirance pour l’« atmosphère pesante » et le « suspense » des histoires « de mafia et de gang ». Margaux, 21 ans, qui en a lu « une cinquantaine en deux ans », avoue, elle aussi, avoir succombé à « la tension persistante » présente dans les livres.
Et c’est un succès. La célèbre série de trois romans Captive (BMR), de Sarah Rivens, a dépassé le million d’exemplaires vendus en France. Le premier tome de Lakestone (BMR), de la même autrice, a, lui, été vendu plus de 200 000 fois. Ces livres sont relayés partout sur les réseaux sociaux, notamment sur TikTok sous le hashtag #booktok. Dans cette communauté virtuelle de lecteurs, les internautes, des jeunes femmes de 15 à 25 ans pour la grande majorité, partagent leurs avis sur leurs lectures. Et la dark romance n’y échappe pas.
Consciente que ces romans peuvent être lus par un public très jeune, Marie Legrand, directrice des éditions BMR, se défend : « On ne publie que de la dark romance psychologique, c’est-à-dire que le héros manipule et tourmente mentalement l’héroïne. Jamais on ne publiera un livre où il y a des viols ou de l’inceste, par exemple. »
Aucun problème, par contre, pour publier Captive, où l’héroïne, Ella, se fait brûler la main sur une plaque de cuisson par son « possesseur » John, dont elle finira par tomber amoureuse. « C’est gênant, mais ce n’est pas vraiment de la transgression d’interdits », justifie Mme Legrand. Dark romance ou romance sans violence, ces livres sont « forcément dans le rayon adulte », pour éviter que cela « tombe entre les mains d’un public non averti ». Les scènes de sexe, très explicites, « ne doivent pas construire la façon dont les plus jeunes envisagent leurs rapports amoureux », ajoute-t-elle.
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