2021, inflexion pour le numérique

2021, inflexion pour le numérique


« Achète au son du canon, vend au son du clairon ! »

Ce vieil adage boursier qui conseille de vendre quand on crie victoire, semble pour GreenSI très approprié pour imaginer les perspectives technologiques de 2021 et la vision à insuffler aux projets SI des entreprises. Pour rester dans le vocabulaire boursier, GreenSI est devenu « bearish » (baissier), et non plus « bullish », et se prépare à hiberner comme un ours et non à donner les coups de cornes digitales vers le haut, comme un taureau.

Pourtant, vous avez certainement dû commencer à voir fleurir les fameuses projections du taureau pour 2021 et ses feux d’artifices de technologies promises, souvent longtemps avant leur arrivée réelle  (voir leur échec) à grande échelle. Et puis, 2020 aura montré que ceux qui étaient en retard dans la transformation digitale, de la plus petite PME avec le click&collect, à la grande entreprise ou au service public avec le télétravail, devaient accélérer pour s’adapter. N’est-ce pas un signe qui promet un futur radieux aux « cloud native », ces entreprises pouvant opérer de partout, à l’image des GAFAs, et une explosion de nouveaux usages numériques en 2021 ?
N’est-ce pas le modèle vers lequel il faut accélérer ?

Pour GreenSI, cette tendance Cloud – et son socle data/IA – sans aller jusqu’à s’inverser – même si certains en appelle de leurs vœux du prochain nouvel an – va ralentir pour mieux se réinventer les années suivantes.

En effet, plusieurs coups de vent violent suggèrent de ne pas reprendre mécaniquement et intégralement les plans de transformations réalisés il y a 5 ans, mis en œuvre trop lentement, pour les accélérer.

Le contexte de la technologie a beaucoup changé en 2020, ce qui pour GreenSI va influencer la façon d’aborder les projets en 2021 et à l’avenir.

Déjà, la crise économique, suite à la crise sanitaire, a amputé de l’ordre de 20% le PIB mondial ce qui ne sera pas neutre pour orienter à la baisse les dépenses d’investissements technologiques.

Mais pour GreenSI, ce sont surtout les signaux faibles de freins – ou de régulations fortes – de la technologie qui auront le plus d’impact, et qui pourraient produire un changement de trajectoire du numérique dans l’entreprise, au moins en France. Quels sont ces signaux ? 

  • Le RGPD aura été le premier à questionner un modèle d’entreprise numérique, sous l’angle de la collecte native de données et de son exploitation économique. Il a certes démontré qu’il pouvait espérer protéger l’Europe d’abus de position dominante, voire de rééquilibrer une position géostratégique très fragile, mais à quel prix ? Dans les entreprises et les collectivités locales, la publication d’un simple formulaire fait parfois l’objet d’un coût de mise en conformité disproportionné, par rapport aux risques encourus. Alors quand il s’agit d’une mise en œuvre à grande échelle comme dans l’Education Nationale, cela devient un des travaux d’Hercules.
  • La réglementation européenne va continuer de s’amplifier avec les deux volets juridiques baptisés Digital Services Act (DSA) et Digital Market Act (DMA) qui viennent d’être dévoilés en décembre. Elle va imposer des règles plus strictes aux géants du numérique et tenter de supprimer les « espaces de non droit » sur Internet. Bien qu’appliquée aux seuls acteurs dominants, elle impactera nécessairement tout un écosystème d’entreprises où les économies d’échelles et la mondialisation restent la règle du jeu.
  • Le Green IT c’est la prise de conscience, démarrée il y a  plus de 10 ans en France, d’un numérique durable et responsable. Elle émerge en 2020 comme une force dans les entreprises et rejoint le domaine de la RSE – Responsabilité Sociale des Entreprises – au même titre que la production d’emballages non recyclables ou la sous-traitance à des entreprises qui emploient des enfants mineurs.
    Un billet de 2020 a abordé ce sujet qui fera qu’une entreprise ne pourra plus sous-traiter son Cloud ou ses traitements de données en masse, sans se poser la question de ce qui est vraiment derrière, voire du bilan carbone de l’opération ramenée aux bénéfices des nouveaux usages rendus possibles. L’augmentation de la durée de vie des équipements et la réduction des usages énergivores comme la vidéo fait partie du programme. Aura-t-elle la peau de la vidéoconférence qui se généralise avec le télétravail ?
    Le Green IT peut également faire émerger des technologies plus locales, comme le Edge ou les réseaux mesh, plus vertueux énergétiquement que le Cloud, qui lui repose sur la centralisation systématique de toutes les données ce qui fait envoler l’empreinte carbone des réseaux de communication. 
  • La cybersécurité n’est pas un frein nouveau. Mais le risque et l’exposition des entreprises et collectivités augmentent mondialement. On assiste à la bascule dans la cyberguerre économique décomplexée, comme l’a montré SolarWinds, l’opération récente d’espionnage de l’administration américaine.
    Au milieu de ces champs de mines, les entreprises n’ont plus le choix que d’adopter le « Zero Trust » et de se méfier de tout le monde, surtout quand les États ont leurs champions du hack. Pour protéger leur système d’information, les entreprises vont devoir segmenter le réseau, en empêchant le passage d’un espace numérique à un autre et en généralisant le contrôle d’accès régulier des utilisateurs, des objets connectés et des applicatifs. Construire en sécurisant ou construire puis sécuriser, quelle que soit l’approche, le coût de la construction sera plus élevé et la construction plus lente.
  • La technologique entre dans le débat public. La place de technologie dans la société est aussi en train de s’infléchir. Que ce soit la 5G en tant que technologie de communication ou les smartphones en tant que terminaux numériques multi-usages  et principalement vidéo  de plus en plus sophistiqués, des voix s’élèvent pour que le débat public soit posé.
    GreenSI ne croit pas qu’il en sortira un retour en arrière radical, car finalement le besoin de connectivité haut débit touche tous les territoires. En revanche, ce sera un frein pour les investissements  à cause de l’incertitude  et ces derniers ne se feront pas à n’importe quel prix, tel que jugé de plus en plus par le grand public. Vous n’auriez jamais imaginé devoir impliquer le grand public dans votre prochain projet et bien pensez-y maintenant. Linky, le compteur communiquant d’Enedis en a fait les frais. La technologie y est vue d’abord pas ses côtés négatifs avant d’être évaluée sur ses côtés positifs, un principe de précaution qui déclenche maintenant des attaques en justice d’associations de consommateurs.
    D’ailleurs, dans ce processus, le risque d’accentuer la fracture numérique entre les villes et la campagne ou de rendre le territoire hétérogène est réel. Ce contexte aura un impact sur le modèle de service des entreprises et sur les villes intelligentes. Et puis la 5G n’est pas la seule technologie sous les feux des projecteurs. La vidéosurveillance « utile », celle qui peut sauver une vie et réagir en cas de crise, est aussi bloquée en France par rapport à d’autres pays. Les algorithmes sont aussi suspects, d’introduire des biais mais aussi de ne pas respecter l’égalité des chances, surtout dans le secteur public. 
  • Plus généralement c’est la politisation du numérique. C’est le réveil du secteur public en France, avec la volonté de mettre en place une politique publique nationale de la donnée, des algorithmes et des codes sources. Le rapport sur le sujet est arrivé cette semaine comme un cadeau de Noël sous le sapin du premier ministre qui l’avait commandé. Il arrive avec son lot de recommandations, qui peuvent être mises en œuvre rapidement… enfin c’est l’idée initiale mais on sait le temps du politique peut être plus long 😉
    Elles repartent parfois du constat de l’échec de l’open data tel que promulgué par la loi de 2016. Une loi non respectée par la majorité (en nombre) des acteurs publics. Elles essayent de poser les bases d’un partage de la donnée entre administrations mais plus largement d’octroyer un droit d’accès aux données pour le secteur public quand il s’agit d’intérêt général (régulation, recherche, …)
    L’imbrication française public-privée impactera nécessairement les projets d’entreprises par ricochet, dans un contexte où les moyens du service public pour traiter ces données prendront du temps à se mettre à niveau technologiquement.

Imaginez-vous maintenant en 2021.

C’est le lancement de ce nouveau service en ligne tant attendu. Intelligent il fera la différence, en exploitant massivement les données, pour anticiper la demande des utilisateurs, l’aider à choisir avec des analyses personnalisées. 

Vous allez maintenant devoir démontrer qu’il respecte le RGPD, qu’il est suffisamment sécurisé pour être ouvert, qu’il exploite les ressources juste nécessaires, que vos fournisseurs font de même et qu’il ne dépouille pas la société par une exploitation non responsable, voire non autorisée, des données et des ressources numériques. Prêts ?

C’est ce contexte d’injonctions parfois contradictoires et réduction des dépenses qui fait dire à GreenSI qu’il faut ne faut pas s’attendre en 2021 à une explosion technologique mais plutôt à la consolidation des positions. Alors que faire ? C’est certainement le bon moment pour réduire la dette technique, développer les compétences et les relations et les outils pour opérer dans ce nouveau monde numérique plus contraint.

Il faudra bien choisir ses projets en amont, pour ne pas gaspiller de l’énergie sur la mise en œuvre de technologies dont l’usage final ne justifierait pas autant d’efforts. GreenSI avait déjà abordé ce point avec la Blockchain, qui était dans les prévisions 2015, mais qui demande des efforts considérables de création d’écosystème, de changement d’architecture, de compétences et même d’énergie électrique pour délivrer ses services, autre que les crypto-monnaies, dans les entreprises. 





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