« Echange coordonnées bancaires contre voyage au Portugal. » C’est par ce type d’annonces publiées sur les réseaux sociaux que sont attirées les « mules bancaires », comme les appellent les enquêteurs des brigades financières. Souvent de jeunes majeurs, qui acceptent de laisser les clefs de leurs comptes bancaires contre un peu de cash ou un voyage, et se retrouvent impliqués in fine dans des affaires de criminalité organisée.
Selon les informations du Monde, un réseau sophistiqué d’escroquerie au « faux président » et de blanchiment vient justement d’être démantelé dans une enquête dirigée par la Junalco financière – la juridiction française spécialisée dans la lutte contre la criminalité organisée financière. Des arnaques de plus en plus courantes, mais dont le montant du préjudice s’élève ici à plus de 38 millions d’euros pour l’une des entreprises victimes. Et dont l’enquête a rebondi du Portugal à Israël, en passant par la Croatie.
Les dernières interpellations ont été menées en janvier à Paris, avec le concours de la police judiciaire portugaise et d’Europol. Au total dans cette affaire, six personnes ont été interpellées en région parisienne et deux autres en Israël, lors d’opérations menées en juin 2022 et en janvier.
Escrocs « très convaincants »
Comment peut-on se faire escroquer de 38 millions d’euros sans s’en rendre compte ? « On a l’impression qu’avec quelques règles de bon sens, on ne peut pas se faire avoir. Mais il ne faut pas croire qu’on en est encore à l’escroc qui envoie un mail truffé de fautes, aujourd’hui les escrocs sont très convaincants », prévient Vincent Kozierow, chef de la brigade des fraudes aux moyens de paiement (BFMP) de la police judiciaire parisienne, cosaisie de l’enquête avec la section de recherches de Reims.
Des « bonimenteurs professionnels », ajoute le commissaire divisionnaire, en déroulant leurs procédés : usurpation d’identité et d’adresses mails, connaissance pointue de la structure de l’entreprise ciblée parfois même de l’agenda du patron, utilisation du langage professionnel approprié, des noms des bonnes personnes pour les bons postes, substitution de RIB, appels téléphoniques pour augmenter la confiance… A peine une méthode est-elle détectée, qu’elle est déjà renouvelée.
En l’occurence dans cette affaire, une première plainte a été déposée le 7 décembre 2021 par une entreprise de métallurgie dans la Haute-Marne. Le comptable avait été contacté par mail par quelqu’un s’identifiant comme son supérieur. Sommé de réaliser un virement dans le cadre d’une opération confidentielle de rachat d’actions, le comptable obtempère : 300 000 euros sont transférés, avant qu’il ne se rende compte de son erreur. Le 29 décembre 2021, un promoteur immobilier parisien de poids est victime de la même arnaque – dite du « faux président » – pour un dommage nettement plus important. La comptable a cette fois reçu un mail usurpant l’identité de son directeur général et lui demandant d’entrer en contact avec un cabinet d’avocats pour une opération financière importante. Résultat : une quarantaine de virements effectués, et presque 38 millions d’euros volatilisés.
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