Apple sait ce qui est bon pour ses utilisateurs. Cette vision paternaliste était certainement nécessaire durant les premières années de l’iPhone, car il fallait bien habituer les clients à l’écran tactile et au fonctionnement du smartphone. Mais 17 ans après le lancement du tout premier modèle, les utilisateurs sont devenus grands : l’iPhone fait partie du quotidien, et pour certains c’est même le seul “ordinateur” en leur possession.
Apple a ouvert les possibilités de personnalisation d’iOS au fil des ans, en permettant d’épingler des widgets sur la page d’accueil ou encore de changer les couleurs des icônes des apps (et leur position sur l’écran). Mais les murs entourant le système d’exploitation de l’iPhone sont encore bien hauts.
C’est là qu’intervient l’Union européenne avec le règlement sur les marchés numériques (DMA), qui oblige Apple à se défaire de mauvaises habitudes. Une pression du régulateur européen qui a déjà permis de se débarrasser du vieillissant Lightning pour le remplacer par de l’USB-C sur les iPhone ; mais le DMA va plus loin encore en s’attaquant aux restrictions artificielles d’iOS et de l’App Store. Des limitations qui repoussent au loin une concurrence parfois plus inspirée qu’Apple pour faciliter la vie des utilisateurs.
Depuis le début de l’année et la mise en œuvre effective du DMA, Apple ajuste régulièrement ses pratiques pour se conformer avec les dispositions d’un texte touffu et parfois confus. À tel point que le constructeur refuse d’activer les fonctions d’Apple Intelligence sur iPhone et iPad cette année dans l’UE… Ce qui ne fait que renforcer l’impression d’avoir deux iOS différents : un pour les utilisateurs européens, l’autre pour le reste du monde.
Si l’Europe est privée d’Apple Intelligence, elle bénéficie de fonctions inédites qui donnent davantage de pouvoir aux utilisateurs. Est-ce qu’on y perd ? Pas vraiment ! Selon nous, il existe au moins quatre raisons pour lesquelles, cette année, l’iPhone vendu en Europe est meilleur que tous les autres.
1 – On peut installer des applications refusées par l’App Store
Certains types d’applications déplaisent à Apple. Ça a été le cas des émulateurs de consoles rétro, inexplicablement interdits d’App Store depuis toujours mais qui depuis la mise en œuvre du DMA ont finalement eu droit de cité et ce, partout dans le monde.
D’autres catégories d’apps n’ont pas autant de chance, comme celles qui permettent de télécharger des fichiers en P2P. Si le constructeur reste maître du catalogue de son App Store, il ne peut pas exercer sa censure sur le contenu des boutiques alternatives. La firme à la pomme a tout de même son mot à dire via le processus technique de notarisation — ce qui lui permet de repérer les apps posant des problèmes de sécurité. Mais elle ne peut pas s’en servir pour refuser la distribution d’une app.
AltStore PAL, un des premiers magasins alternatifs, est largement ouvert aux applications tierces en dehors de celles de son développeur, Riley Testut. Parmi les premières apps tierces distribuées par la boutique, on trouve iTorrent, un client BitTorrent, et qBitControl, pour contrôler à distance les téléchargements opérés depuis qBittorent sur un ordinateur.
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Apple et l’App Store ont toujours refusé les apps de torrent. Tout comme celles qui permettent de gérer le presse papier d’iOS, pour des raisons techniques liées à iOS. Qu’à cela ne tienne, on pourra installer Clip, également disponible dans AltStore PAL.
Les boutiques alternatives européennes ont un boulevard devant elles, pour le meilleur comme pour le pire. Car les interdictions d’Apple s’appliquent aussi aux apps de paris en ligne, de minage de cryptomonnaies, ou encore celles qui proposent du contenu piraté. Pour le moment, rien de tout cela n’est disponible dans ces magasins mais puisque le constructeur n’a plus son mot à dire sur la qualité des apps, on les retrouvera peut-être demain en libre circulation en Europe.
2 – On peut remplacer les apps installées par défaut
Il n’y a pas que Safari dans la vie. Depuis iOS 14, il est possible de le remplacer par un autre navigateur web par défaut, et c’est le cas aussi de l’app Mail. Le DMA oblige Apple à aller beaucoup plus loin en la matière : il va être ainsi possible de choisir de nouvelles applications par défaut pour les coups de fil, les claviers, les gestionnaires de mots de passe et les boutiques d’apps.
Au printemps prochain, Apple permettra de choisir une app par défaut pour le GPS, la traduction, ainsi que les filtres pour empêcher le démarchage téléphonique intempestif. Finalement, les utilisateurs européens vont bénéficier d’un iPhone réellement à leur main, où ils pourront se servir de Google Maps par défaut plutôt que d’Apple Plans, de WhatsApp au lieu de Messages, de 1Password au lieu de Mots de passe, de Halide au lieu d’Appareil photo, ou encore d’AltStore PAL plutôt que de l’App Store.
Pour s’y retrouver dans ces apps par défaut, Apple proposera un nouveau panneau de réglages regroupant tous les choix possibles et les préférences. Ce sera plus clair que la solution actuelle nécessitant de se rendre dans les réglages de Safari ou de Mail (ou des navigateurs/mail alternatifs).
Cette personnalisation ne s’arrête pas là. Tous ceux qui n’ont rien à faire de l’App Store, de Messages, de Safari, et même d’Appareil photo et de l’app Photos vont pouvoir les supprimer complètement ! Actuellement, il est possible de retirer les icônes de ces applications, mais ça s’arrête là, les apps en elles-mêmes sont toujours présentes. Ici, il s’agit de les supprimer réellement.
En fait, à terme, seules deux apps ne pourront pas être supprimées : celle des réglages et Téléphone. Les applications supprimées pourront être réinstallées via l’App Store, et dans le cas où la boutique a été supprimée, il faudra en passer par les réglages.
3 – On pourra payer avec son iPhone avec autre chose qu’Apple Pay
Apple Pay a deux avantages décisifs sur les portefeuilles concurrents : le service est très efficace grâce à l’utilisation de la NFC, et il est très facile de s’en servir en double-cliquant sur le bouton d’allumage. Depuis iOS 17.4, Apple a ouvert sa puce sans contact à d’autres fournisseurs, et permet aux utilisateurs de sélectionner une app de paiement par défaut.
En présence d’un terminal de paiement, il suffit de cliquer deux fois sur le bouton d’allumage de l’iPhone pour lancer l’application choisie à la place de Cartes. Cela pourra être l’app de votre banque ou d’une plateforme de paiement comme Stripe ou PayPal.
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La mise en place de cette nouveauté nécessite des ajustements de la part des fournisseurs tiers, ce qui explique pourquoi aucun d’entre eux ne se soit encore lancé. Mais PayPal est très intéressé, ce qui n’est guère étonnant. Dans le domaine du paiement sans contact, la pression des autorités régulatrices ne s’est pas arrêtée aux frontières européennes : d’autres pays aussi ont exigé l’ouverture de la puce NFC de l’iPhone.
C’est pourquoi Apple a annoncé mi-août que les développeurs du monde entier (ou presque) pourront exploiter ce composant pour les paiements sans contact.
4 – On peut jouer à Fortnite et Fall Guys
Quatre ans après sa suppression manu militari de l’App Store, Fortnite est de retour sur les iPhone en Europe par le biais du Games Store, la boutique alternative lancée par Epic mi-août, et AltStore PAL. Ça n’a l’air de rien, mais Fortnite manquait cruellement sur la plateforme iOS : c’est tout simplement un des plus gros jeux actuels qui comptent des millions de joueurs dans le monde entier.
Ne pas pouvoir y accéder sur iPhone était une aberration, sachant que le jeu est disponible sur toutes les plateformes existantes. On peut presque dire qu’avec ce retour de Fortnite, Epic fait une fleur à Apple : iOS redevient une plateforme « fréquentable » par les joueurs du battle royale (sans compter les différents jeux lancés sous sa bannière : Lego Fortnite, Rocket Racing, Festival…).
Et ça n’est pas tout, puisque l’Epic Games Store permet aussi d’installer Fall Guys sur iPhone ! La course d’obstacles, qui oppose jusqu’à 60 joueurs dans des parcours farfelus, est certes moins populaire que Fortnite (il n’y a pas beaucoup de jeux plus populaires !), mais lui aussi il manque à l’App Store.
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Apple n’a pas d’autre choix que de se plier aux règles européennes, ce qui inclut aussi l’obligation d’accepter les services de paiement alternatifs dans les applications distribuées dans l’App Store ou ailleurs, ou encore la possibilité pour les développeurs de communiquer librement avec leurs utilisateurs.
Mais le constructeur ne lâche rien sur sa sacro-sainte commission, qu’il doit toucher même pour un achat effectué sur le web depuis une application distribuée en dehors de l’App Store. Sans oublier un écheveau extrêmement complexe de frais qui finit par décourager tous ceux qui seraient tentés par cette aventure. La Commission européenne veille cependant, et la conformité d’Apple au DMA est scrutée de très près. Au grand bénéfice des utilisateurs, finalement.
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