Streaming illégal, protection des mineurs, régulation des plateformes : ce mercredi 1ᵉʳ octobre, Martin Ajdari, président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), était auditionné au Sénat par la Commission de la Culture, de l’Éducation, de la Communication et du Sport. Bien qu’il ait été principalement questionné sur l’audiovisuel public, l’homme à la tête de l’autorité indépendante a profité de l’occasion pour rappeler les missions de l’Arcom dans le secteur du Numérique, des missions souvent sources « d’incompréhensions ».
🗨️ #Audition | Aujourd’hui à 09h30, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du @Senat auditionne @martinajdari sur le rapport d’activité 2024 de l’Arcom.
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— Arcom (@Arcom_fr) October 1, 2025
Lors de l’affaire Jean Pormanove, « j’ai entendu beaucoup de propos et de critiques sur le fait que l’Arcom avait laissé diffuser ce programme malgré son caractère choquant », a déclaré Martin Ajdari, à propos du décès tragique du streamer mort en direct sur la plateforme Kick en août dernier. Si ce « reproche, en tout cas l’émotion qu’a suscitée cet événement est évidemment tout à fait compréhensible et légitime », « il y a, peut-être, eu (…) une incompréhension sur le champ de nos missions dans le domaine du numérique, qui est assez différent de ce qu’il est dans le domaine audiovisuel », a-t-il ajouté.
Arrêter la diffusion d’un contenu en ligne : « c’était à la justice d’agir »
Si au sein de l’audiovisuel, la mission de l’Arcom est bien « d’agir sur les contenus », ce n’est pas le cas du numérique. « S’agissant du règlement sur les services numériques (DSA, NDLR) ou de la loi SREN », « nous n’avons pas de compétences pour apprécier la légalité des contenus, ni pour en demander le retrait », a-t-il souligné. Dans le cas des contenus diffusés sur les plateformes en ligne comme le site australien Kick, c’était bien à la justice d’agir, a-t-il ajouté.
Pour rappel, le streamer Jean Pormanove, de son vrai nom Raphaël Graven, est mort en direct en août dernier : l’ancien militaire de 46 ans servait depuis des années de souffre-douleur à deux autres streamers, Safine (Safine Hamadi) et Narutovie (Owen Cenazandotti), dans des directs diffusés sur la plateforme de streaming australienne Kick.
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Or dans ce dossier, « la justice s’était saisie dès la fin 2024 de cette affaire, avait placé en garde à vue deux protagonistes, entendu les acteurs et n’avait pas considéré à l’époque de voir y donner suite. Ça n’enlève rien au fait que cet événement dramatique nous pose question », a déclaré le président du gendarme de l’audiovisuel et du numérique, dans ses propos introductifs.
Une coopération avec l’ensemble des autorités européennes à améliorer ?
Pour Martin Ajdari, il faut renforcer « nos mécanismes de coopération entre administrations nationales, avec la justice, avec les signaleurs de confiance, les associations, pour être plus réactifs. Nous allons à cette fin réactiver en octobre l’Observatoire de la haine en ligne, pour créer les conditions de cette réactivité ».
Si l’Arcom ne pouvait pas directement agir dans l’affaire de la plateforme australienne, selon son président, elle dispose toutefois de plusieurs compétences en matière numérique. C’est bien elle qui doit :
- « s’assurer du respect par les plateformes installées en France de leurs obligations de moyens en matière notamment de modération,
- des ressources (consacrées à la) modération des contenus qui circulent sur leur réseau,
- d’ergonomie des modalités de signalement,
- d’examen de leurs algorithmes pour mesurer leurs éventuels risques », a listé Martin Ajdari.
En parallèle, « l’ARCOM contribue à la régulation conduite par la Commission européenne des plus grandes plateformes, les TikTok, X, Facebook, Instagram, YouTube, qui concentrent une très large majorité des usages et dans lesquelles, même si nous ne sommes pas directement compétents, nous exerçons un contrôle, un suivi de proximité qui a vocation à alimenter les travaux de la Commission ».
Le président de l’Arcom a aussi rappelé que le gendarme français avait aussi « vocation à coopérer avec l’ensemble de (ses) homologues européens lorsque des contenus problématiques sont hébergés sur des plateformes établies dans d’autres États. Et c’est d’ailleurs, pour une part, ce qui a été mis en défaut dans le cas de la plateforme Kick », a-t-il indiqué.
Les prochains dossiers de l’Arcom : « les sites X de moindre audience » et les VPN
À côté de ces missions générales, Martin Ajdari est aussi revenu sur les nouvelles compétences de l’Arcom, apportées par la loi SREN, dont celle qui a trait à « l’interdiction effective de l’accès des mineurs aux sites pornographiques ». Depuis janvier 2025, un certain nombre de sites et de plateformes X ont l’obligation de mettre en place un système de vérification de l’âge de leurs visiteurs – un système conforme à un référentiel défini par l’Arcom en octobre 2024.
Et aujourd’hui, « la plupart des recours intentés par de nombreux sites (pornographiques, formés pour contester la mise en place obligatoire de ces systèmes de vérification de l’âge, NDLR) ont été écartés », s’est-il félicité. « Pour le moment, nous avons pu enjoindre à la douzaine de sites disposant de l’audience la plus importante en France de se conformer à la loi sous peine de blocage ou de déréférencement. (…) ». Les sites récalcitrants ont été bloqués, certains ont décidé de « fermer assez bruyamment leur service en France ».
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Sur ce dossier, le président de l’Arcom indique que l’autorité indépendante va désormais s’intéresser à « tous les sites de moindre audience ». Le gendarme français du numérique compte aussi se pencher sur « les moyens de contournement, on sait que ça existe et nous y travaillons aussi », une évocation des services VPN.
Ces services, parfois utilisés pour contourner les vérifications d’âge pour les sites X, le sont aussi pour accéder à des plateformes de streaming sportif illégales. Or selon l’Informé, l’Arcom a demandé en septembre dernier aux principaux fournisseurs de VPN de couper l’accès à près de 300 adresses spécialisées dans la diffusion pirate de compétitions sportives, à la demande de Canal+ et beIN Sports.
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Le dossier de l’IPTV illégale et du piratage, notamment de compétitions sportives, a été abordé en toute fin d’audition : « C’est un sujet qui nous préoccupe beaucoup », a reconnu Martin Ajdari. En mai dernier, « nous avons trouvé un accord entre les fournisseurs d’accès à internet et les ayants droit pour mettre en place les conditions du blocage IP, pour avoir ensuite le blocage en temps réel », s’est-il félicité, évoquant une accélération dans les blocages de streaming illégal.
Le président de l’Arcom a en effet déclaré que « depuis le début de l’année 2025 », le gendarme français a (effectué) « 5 000 blocages, soit la moitié de tout ce que nous avons fait depuis 2022, année où la compétence nous a été confiée ».
Une limite d’âge à 13 ans pour les réseaux sociaux à faire appliquer , à minima
Martin Ajdari a enfin listé « les chantiers prioritaires » pour 2025, à savoir, la protection des mineurs sur les réseaux sociaux, à l’image de « l’étude très complète que nous avons présentée » la semaine dernière, et « qui met en évidence la fréquence et la précocité croissante avec laquelle les enfants et les adolescents sont exposés à des risques multiples ».
Le président de l’Arcom plaide pour que la limite d’âge à 13 ans, parfois inscrite dans les conditions générales d’utilisations des plateformes, soit réellement respectée. « Au moins qu’elles les appliquent ! Aujourd’hui, on a 40 % des 11-12 ans qui accèdent à ces réseaux (sociaux). Donc, en contournant l’obligation théorique des plateformes, faisons-la appliquer dans l’attente des débats sur la majorité numérique qui ne manqueront pas d’avoir lieu devant le législateur », a-t-il soutenu.
De manière plus générale, Martin Ajdari souhaite « s’assurer que les plateformes ne proposent aux mineurs que des services expurgés de tout ce qui est dangereux pour eux, l’incitation à des comportements à risque ou à des troubles alimentaires, des contenus choquants, des fonctionnalités addictives comme le scrolling infini, les contacts avec des adultes potentiellement malveillants ». L’Arcom compte, à partir de cet automne, « auditionner à cette fin toutes les plateformes les plus importantes pour mesurer les progrès qu’elles font sur ces différents champs ». L’objectif : « en faire part à la Commission (européenne, NDLR) mais aussi au public ».
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