Le cannabis peut-il être à la fois un bienfait thérapeutique et une aubaine financière ? Muriel (qui n’a pas souhaité donner son nom), cadre dans l’industrie pharmaceutique, s’en est convaincue en misant 6 500 euros dans Juicy Fields. Si ce site Web à l’allure léchée lui promettait un retour sur investissement, elle croyait aussi savoir qu’il avait pour « projet de développer les atouts thérapeutiques du cannabis » pour aider « notamment des personnes atteintes de troubles du spectre autistique ». Elle a même poussé sa mère à investir 3 500 euros supplémentaires. Mais en juillet 2022, le site s’est brusquement arrêté. Leur argent s’est évaporé.
Tout a pourtant bien commencé pour Muriel et des milliers d’autres utilisateurs de la plate-forme, lancée comme une mauvaise blague le 1er avril 2020. Il est vrai que la combine est alléchante ; la théorie, simple et claire. Avec une mise minimale de 50 euros, l’investisseur « achète » une plante de cannabis et perçoit les bénéfices de la vente de marijuana à des acquéreurs agréés, en toute légalité. Juicy Fields promet, en fonction de la production de chaque plant de cannabis, de verser trois mois plus tard des intérêts mirobolants, de 36 % à 66 %.
De nombreux investisseurs de Juicy Fields – baptisés « e-growers », ou « cultivateurs numériques » – tentent l’expérience avec quelques plantes pour s’assurer de la bonne marche de l’opération. « J’ai fait un premier investissement de cinquante euros pour tester et j’ai pu rapidement retirer ma mise très facilement », assure ainsi Benjamin Martin, un ingénieur à la recherche de placements lucratifs. Rassuré par ce premier succès, il continue d’investir sur la plate-forme et de financer des plants, en récupérant périodiquement ses gains. Il investira jusqu’à 25 000 euros.
Comme lui, plusieurs centaines de milliers d’utilisateurs, de l’Afrique du Sud à l’Espagne en passant par la France, tentent de faire fructifier leur épargne grâce à Juicy Fields. Dans un courriel envoyé à ses membres le 14 juin 2022, la plate-forme revendique plus de 500 000 comptes actifs. Sur certains groupes Telegram, des milliers d’internautes discutent et échangent tous les jours avec des employés de l’entreprise.
Fermeture brutale
Mais, le 11 juillet 2022, cette mécanique bien huilée se grippe. Les « e-growers » apprennent par courriel le gel complet de l’accès à leurs comptes et le lancement d’une grève au sein de l’entreprise, où plusieurs employés affirment ne plus être payés. Un vent de panique commence alors à souffler sur les boucles de discussion. Baptiste Dho, un informaticien basé à Monaco ayant investi, se souvient : « Le canal Telegram a commencé à s’affoler et j’ai senti mon téléphone dans ma poche qui chauffait à cause des nombreuses notifications. » Si certains prédisent un rapide retour à la normale, d’autres s’inquiètent d’être victimes d’une arnaque.
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