comment les criminels ont blanchi 4 milliards de dollars d’argent sale

crypto blanchiment d'argent


Malgré les restrictions mises en place par les régulateurs, les criminels sont parvenus à blanchir 4 milliards de dollars d’argent sale depuis 2020. D’après une étude, les ponts et plates-formes décentralisées sont très prisés des escrocs et des pirates.

Elliptic, une firme spécialisée dans l’analyse de la blockchain, vient de publier une étude consacrée au blanchiment d’argent par le biais des cryptomonnaies. Le rapport, relayé par nos confrères du média spécialisé The Block, révèle que les criminels ont blanchi 4 milliards de dollars d’argent sale via des services crypto depuis 2020.

À lire aussi : Une fausse application Google mine des cryptomonnaies sur des milliers de PC

Plates-formes décentralisées et blanchiment

Les cybercriminels se sont notamment appuyés sur des plates-formes d’échange décentralisées. Ces plates-formes permettent aux investisseurs d’échanger des tokens par le biais de contrats intelligents. Il n’y aucune autorité centrale qui gère l’ensemble de l’infrastructure. Tout repose sur la chaîne de blocs. De facto, il n’y a personne pour contrôler l’intégrité des transactions ou réclamer l’identité des usagers. Ces services décentralisés sont différents des plates-formes centralisées, comme Binance, Coinbase ou FTX, qui sont beaucoup plus populaires auprès des utilisateurs. Parmi les principales solutions décentralisées, on trouve Uniswap, Curve ou Bancor.

Les services décentralisés ont rencontré un succès colossal pendant la phase haussière de l’année dernière. Alors que le Bitcoin s’approchait des 70 000 dollars, les exchanges décentralisés ont dépassé les 1000 milliards de dollars de transactions annuelles, en augmentation de 858 % par rapport à 2020.

Depuis 2020, 1,2 milliard de dollars d’argent sale ont transité sur des plates-formes décentralisées. Dans la plupart des cas, les fonds blanchis par les criminels provenaient de piratages de services de la finance décentralisée ou de plates-formes centralisées. Après leur hack, les pirates transfèrent leur butin sur ces plates-formes pour brouiller les pistes. Les tokens sont alors convertis en d’autres cryptomonnaies et envoyées sur des adresses blockchain.

Les ponts de cryptomonnaies

Selon Elliptic, les criminels se sont également servis des ponts (bridges) pour blanchir l’argent collecté par le biais d’activités illicites. Un pont permet de connecter deux blockchains différentes afin de transférer des tokens d’un réseau à l’autre. Depuis 2020, 750 millions de dollars de fonds illicites ont été blanchis par le biais de ponts.

Lors de l’opération, les pirates immobilisent l’argent sale dans un contrat intelligent, un logiciel qui automatise les actions d’une blockchain. En échange des tokens immobilisés, ils reçoivent d’autres cryptomonnaies sur une autre chaîne de blocs. C’est de cette manière que les fonds sont transférés d’un réseau à l’autre.

« Les ponts entre les blockchains sont une échappatoire dans le régime réglementaire qui a été minutieusement établi par les gouvernements du monde entier pour lutter contre le blanchiment au sein des cryptomonnaies », explique Tom Robinson, chercheur chez Elliptic.

Le rapport souligne que la plupart de l’argent sale détecté (plus de 540 millions de dollars) a été blanchi via RenBridge, un bridge qui relie les blockchains Bitcoin et Ethereum. Selon Elliptic, le pont est « devenu particulièrement populaire » auprès des pirates qui veulent blanchir l’argent obtenu lors d’un piratage, une fraude ou d’une attaque par ransomware. RenBridge a d’ailleurs facilité les opérations de plusieurs gangs de pirates spécialisés dans les ransomwares liés à la Russie.

Les fonds volés lors du hack de Nomad ont notamment transité par le biais de RenBridge. Elliptic explique en effet avoir repéré la trace de 2,4 millions de dollars en crypto-actifs dérobés aux utilisateurs de Nomad, un autre bridge entre les blockchains.

Indispensables au fonctionnement de l’écosystème, les ponts sont également très vulnérables aux piratages. D’après le dernier rapport de Chainalysis, autre spécialiste de l’analyse de la blockchain, les ponts sont des cibles de choix pour les hackers, car « ils hébergent bien souvent un espace de stockage central où sont déposées des cryptomonnaies ». La firme estime que 2 milliards de dollars ont été volés lors du piratage de bridges cette année.

Pour David Carlisle, vice-président des affaires réglementaires d’Elliptic, les ponts sont à la fois « une bénédiction et une malédiction ». Les régulateurs financiers devraient peu à peu se focaliser sur la question des ponts à l’avenir, estime le responsable, interrogé par CNBC.

L’obstacle du KYC

Enfin, les criminels sont aussi passés par des services d’échange qui ne réclament pas de KYC (Know Your Customer). Il s’agit d’une procédure qui permet à une entité financière, comme un exchange crypto, de vérifier l’identité de ses clients. Parmi les informations exigées lors d’une procédure KYC, on trouve un selfie, une preuve de résidence, des coordonnées bancaires ou une copie de la carte d’identité ou du passeport.

Si la plupart des plates-formes décentralisées ont mis en place des procédures KYC, il est toujours possible d’échanger des devises sur les blockchains sans divulguer son identité. Il suffit de se rendre sur des services qui ne demandent pas à ses usagers d’ouvrir un compte, comme Bisq. Les experts estiment que 1,2 milliard de dollars d’argent sale ont été blanchis via ces services sans KYC depuis 2020.

Une goutte d’eau dans l’océan

Elliptic rappelle que les services évoqués dans son rapport, comme les exchanges décentralisés et les ponts, ne sont pas exclusivement utilisés par des criminels. La plupart des transactions enregistrées sont entièrement légales. Elles sont réalisées par des particuliers et des investisseurs institutionnels.

« Pour être clair, Elliptic ne dit pas que les DEX ou les ponts sont utilisés exclusivement par les criminels, en fait, c’est le contraire, ils sont principalement utilisés par des utilisateurs légitimes », note Elliptic.

Comme le souligne une étude de Chainanalysis, les activités illicites ne représentent que 0,15 % des transactions en cryptomonnaies. Ce taux baisse d’ailleurs d’année en année à mesure que les régulateurs encadrent le secteur. Les cryptos ne sont donc pas l’apanage des escrocs, des pirates et des vendeurs de drogues.

De plus, les avoirs blanchis par le biais des cryptomonnaies ne représentent qu’une infirme partie du blanchiment d’argent dans le monde. En effet, l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime estime que plus de 740 milliards de dollars sont blanchis tous les ans. Le plus souvent, les fonds illicites sont blanchis en passant directement dans le système financier traditionnel, par exemple via une entreprise légitime.

Source :

The Block



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.