Les banques centrales du monde entier continuent d’envisager l’émission de leurs propres monnaies numériques (central bank digital currencies, ou CBDC). La Banque populaire de Chine (BPC) a lancé un essai de son e-CNY à Shenzhen en 2020 et a depuis étendu son utilisation à d’autres villes. La Sveriges Riksbank teste son e-krona pour les paiements commerciaux et de détail en Suède. Même la Réserve fédérale américaine, plutôt frileuse sur ce sujet, a publié un document pesant le pour et le contre des CBDC.
L’un des arguments avancés est de mettre les technologies modernes de paiement à la portée des personnes exclues du système bancaire. Mais l’expérience de pays comme l’Inde suggère qu’il existe des moyens plus directs d’atteindre cet objectif. Le gouvernement indien a exigé des banques commerciales qu’elles offrent des comptes d’épargne sans frais et sans exigence de solde minimal, et des banques publiques de proposer de tels comptes aux résidents ruraux n’ayant pas accès à des services bancaires. En 2021, 400 millions de ces « comptes populaires » ont été ouverts.
L’Inde a également créé une infrastructure de paiement électronique efficace et peu coûteuse, l’interface de paiement unifiée (UPI). L’UPI est un système de paiement en temps réel exploité par la National Payments Corporation, un organisme sans but lucratif. Les banques, les sociétés de monnaie électronique et les entreprises technologiques ont lancé des applications de paiement mobile compatibles avec l’UPI, permettant aux utilisateurs d’envoyer de l’argent entre comptes bancaires.
Paiements transfrontaliers facilités
Pourtant, alors que quelque trois cents banques participent au système, le gouvernement veut mettre en place une CBDC, ce qui, du point de vue de l’inclusion financière et de la facilité de paiement, serait redondant.
Il est vrai que les CBDC peuvent rendre les paiements transfrontaliers moins coûteux et plus simples. En outre, étant donné le recours des Etats-Unis à des sanctions financières, les CBDC peuvent offrir une alternative à la dépendance au dollar. Il n’y a en effet aucun obstacle technique à leur utilisation pour les paiements internationaux. Plusieurs CBDC peuvent fonctionner sur une seule blockchain. Avec l’aide de la Banque des règlements internationaux, les banques centrales ont expérimenté à cet effet des plates-formes, les mBridges.
Il existe néanmoins de formidables obstacles politiques. Peut-on imaginer que la Chine et les Etats-Unis se mettent d’accord sur la gestion d’une telle plate-forme ? Et a fortiori cent vingt banques centrales ? L’évolution rapide de la Chine vers l’émission d’une CBDC est déjà considérée comme une menace pour la domination du dollar.
Il vous reste 34.03% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.