En s’emparant de Twitter pour 44 milliards de dollars (42,5 milliards d’euros), l’homme d’affaires américain Elon Musk a entrepris de bouleverser la modération des contenus sur le réseau social. Après le rétablissement en masse de comptes bannis, le milliardaire a franchi une étape supplémentaire en mettant fin à la lutte contre la désinformation sur le Covid-19.
Un bref communiqué de l’entreprise de San Francisco, relayé, mardi 29 novembre, par la presse américaine, a confirmé ce que certains avaient remarqué depuis quelques jours : « A partir du 23 novembre 2022, Twitter n’applique plus le règlement concernant les informations trompeuses sur le Covid-19. »
Comme Facebook, Instagram et YouTube, pendant la pandémie, Twitter avait mis en place des règles spécifiques pour lutter contre les fausses informations de santé. La plate-forme avait notamment décidé de signaler et de retirer les messages contenant de la désinformation sur les vaccins contre le Covid-19, puis de suspendre les comptes concernés au bout de cinq rappels à l’ordre.
« Nous pensons que ce système des avertissements va aider à éduquer le public sur nos règlements et à mieux réduire la propagation d’informations potentiellement dangereuses ou trompeuses sur Twitter », avait expliqué le réseau social en mars 2021.
« Mauvaise nouvelle »
Mais Elon Musk, le nouveau patron de la plate-forme, prône une vision absolue de la liberté d’expression. Et il n’a jamais fait mystère de son opinion au sujet des restrictions sanitaires mises en place pendant la pandémie, surtout quand elles signifiaient la fermeture temporaire de son usine Tesla en Californie.
« Dire aux gens qu’ils ne peuvent pas quitter leurs maisons et qu’ils seraient arrêtés s’ils le faisaient, c’est fasciste. Ce n’est pas démocratique. Ce n’est pas la liberté. Rendez aux gens leur satanée liberté », s’était-il emporté en avril 2020, lors d’une conférence téléphonique pour les analystes financiers.
Pour les experts médicaux, ce changement risque d’avoir pour conséquences de décourager la vaccination et de freiner d’autres efforts pour lutter contre le virus qui se propage encore.
« Mauvaise nouvelle », a tweeté l’épidémiologiste américain Eric Feigl-Ding, qui avance que 11 000 comptes suspendus en vertu de l’ancienne politique seront bientôt restaurés. Le scientifique américain aux 717 000 abonnés a exhorté les gens à ne pas fuir Twitter mais à continuer à lutter contre les mauvaises informations sur le virus. « Restez les gars – ne leur cédez PAS la place ! »
Des chiffres à la hausse
Les chiffres concernant les contaminations dues au Covid-19 sont en augmentation aux Etats-Unis avec 38 800 nouveaux cas déclarés lundi, selon les données de l’Université Johns Hopkins – bien moins qu’à l’hiver 2021-2022, mais un chiffre probablement sous-estimé en raison de la diminution des tests.
Plus de 300 personnes meurent quotidiennement du Covid-19 dans le pays selon les moyennes quotidiennes fédérales les plus récentes. Un cinquième de la population n’a pas été vacciné et la plupart des Américains n’ont pas reçu les derniers rappels et beaucoup ont cessé de porter des masques.
A son arrivée à la tête de Twitter, et entre deux provocations, Elon Musk a tenté de rassurer les ONG et les annonceurs qui craignaient une flambée de contenus toxiques – discours de haine, désinformation, etc. Il a répété que le règlement de la plate-forme n’avait pas changé et que les comptes bannis ne seraient pas rétablis avant la création d’un conseil de modération des contenus.
Peine perdue : de nombreuses marques ont fui, et Elon Musk, s’estimant trahi, est passé à l’action. Il a lancé des sondages depuis son compte Twitter, reflétant selon lui la « voix du peuple », et fait réinstaller le profil de l’ex-président Donald Trump – suspendu en janvier 2021 pour appel à la violence. D’après la newsletter spécialisée « Platformer », le bouillant dirigeant a aussi demandé aux ingénieurs encore employés de rétablir quelque 62 000 comptes qui avaient été bannis pour des infractions répétées.