L’histoire des SI est relativement jeune et le Cloud peut-être vu comme une Nem évolution des infrastructures des systèmes d’information, depuis le mainframe commercial des années 60. Mais ce serait oublier l’évolution de la démarche de construction du SI, qui est passée dans le même temps de « make » (datacenter interne) à « buy » (externalisation), de son rythme d’évolution qui est passé des « paliers d’évolutions » au déploiement continu (DevOps), et bien sûr celle de l’Internet qui est devenu une plateforme numérique mondiale pour les applications, partagée ou privée.
Sur le plan des coûts, le Cloud a amené un modèle de performance dans lequel les coûts unitaires se sont effondrés avec l’industrialisation, mais sans toujours profiter à l’entreprise, car d’autres dans la chaîne de valeur ont dégagé de fortes marges. Les principaux acteurs à avoir construit en 10 ans ces plateformes mondiales sont Américains ou Chinois. Et à l’image des dernières annonces de Microsoft (2021 Q3), ce sont les revenus du Cloud qui dopent les revenus globaux et la capitalisation boursière de ces géants que sont Amazon, Microsoft, Google, Oracle ou Alibaba.
En cette rentrée où le Cloud, qu’il soit PaaS, SaaS ou Iaas, n’a plus à convaincre pour être candidat dans les nouveaux projets de la DSI, et après avoir su délivrer des services collaboratifs – digital workplace – résilients en période de crise, on pourrait se dire que le modèle est stabilisé et n’évoluera plus de façon radicale.
Mais les radars de GreenSI captent des signaux d’évolutions à moyen terme. Avant de les aborder rappelons un certain nombre de constats sur le déploiement du Cloud en 2021:
- La majorité des dépenses actuelle des DSI ne concernent pas le Cloud.
Ceci est vu par les fournisseurs comme un potentiel de croissance immense, et attise donc la guerre commerciale à l’instar de celle entre Amazon et Microsoft avec les rebondissements du contrat JEDI de la Défense américaine ou celui des données de recherche de la NASA. Mais c’est également un signe sur la transformation de l’entreprise : soit le Cloud n’est pas encore adapté à la reprise de tout le SI, soit cette migration est très lente et prendra encore 10 ans (la part du « build » versus « run est limitée dans les budgets chaque année). - Les usages vont maintenant au-delà des IaaS (les serveurs et la communication), PaaS (la stack technique de développement) et su SaaS (les applications en ligne). L’IaaS et le SaaS sont sans surprise les deux premiers marchés du Cloud, car demandent moins d’effort de mise en œuvre. Ils remplacent des applications ou infrastructures obsolètes.
Pour la suite, avec le PaaS, on rentre dans la transformation du SI et de l’entreprise, comme le montre le schéma de GreenSI ci-contre.
Dans les DSI en pointe adoptant déjà le PaaS, on pourrait dire qu’on fait un peu plus « dans la dentelle » avec le recours au Cloud pour des composants du SI, comme, par exemple, les bases de données d’une application, qui sont déportées sur un Cloud en services managés. L’évolution des architectures vers les micro-services, et donc des applications plus modulaires et plus scalables, supportent cette tendance.
- La répartition des architectures entre le Cloud et l’Edge. L’Edge, ce sont ces infrastructures locales dans les usines, avec le développement de l’IoT dans la logistique partout où l’entreprise se déplace, ou dans les échanges des villes intelligentes. L’Edge est en forte évolution et remet en question le modèle totalement centralisé du Cloud.
Le billet « Edge, annexe du Cloud ou l’inverse ? » l’a récemment exploré.
- La dimension géostratégique du Cloud est maintenant comprise par l’Europe, bien après les Américains et les Chinois.
L’initiative GAIA-X européenne vise à faire émerger des champions européens, ayant la taille et la technologie, pour répondre à la demande des entreprises européennes de façon souveraine. De la même façon que Galileo permet à l’Europe de continuer d’avoir un service de géolocalisation, si le système GPS américain est brouillé, l’Europe cherche la résilience de ses entreprises dans l’éventualité de la coupure des Clouds américains.
C’est donc dans ce contexte de guerre commerciale et géostratégique sans merci, qu’il faut en 2021 pousser ses projets, dans des services Cloud de plus en plus liés à l’architecture du SI de l’entreprise, à la résilience de ses applications et à la transformation du SI.
Pour aller plus loin dans sa stratégie Cloud, les services managés sont clairement un sujet à regarder en priorité.
C’est la promesse de pouvoir déporter des fonctionnalités avec un niveau de performance et de coûts difficilement atteignable en interne. Et dans le cas d’opérations demandant beaucoup de puissance pendant de courtes périodes, l’élasticité du Cloud est clairement la réponse. Ces services sont donc facturés à l’acte et demandent un nouveau contrôle a posteriori des coûts (FinOps) et son optimisation.
Mais comme toute promesse, elle n’engage que ceux qui y croient…
L’analyste Forrester à publié une étude (payante) dans laquelle il analyse les acteurs mondiaux du Cloud, fonction par fonction, et non plus globalement comme dans la majorité des classements quand on met en avant uniquement leurs « muscles » (CA, nombre de serveurs, …). Ainsi le chinois Alibaba (ci-contre) est fiers d’être au coude-à-coude avec l’américain Amazon sur ses capacités de calcul, l’une des quarante fonctions étudiées.
Cela nous amène donc rapidement à la question du multi-cloud, pas dans un seul souci de réversibilité et de répartition de son sourcing, mais aussi pour tirer parti des meilleures fonctions de chaque Cloud.
Les services managés sont un sujet délicat, donc stratégique, car le risque de « lock-in » avec un seul fournisseur ne doit pas être sous-estimé. N’oublions pas que le modèle économique du Cloud consiste à attirer au départ suffisamment de clients pour amortir l’investissement des infrastructures, puis à monter ses prix comme nous l’a rappelé Microsoft en plein moins d’août en annonçant l’augmentation des licences unitaires d’Office365 en 2022. Intuitivement, on aurait pu imaginer que le développement du télétravail devrait les baisser avec l’augmentation des volumes, mais visiblement l’économie du Cloud n’est pas l’économie du monde industriel que l’on apprend à l’école.
La réversibilité, y compris son impact financier, reste donc un incontournable pour les entreprises dans le paysage actuel.
Et si le modèle économique actuel du Cloud devenait un facteur d’évolution des stratégies des entreprises, mais aussi des nouveaux acteurs ?
L’initiative GAIA-X peut s’envisager dans la perspective de la mise en commun d’infrastructures par les entreprises pour en assurer une meilleure gouvernance long terme. C’est tout l’enjeu des « data spaces » – espaces de données sectoriels – qui réunissent actuellement des groupes de travail par Industrie, avec l’objectif de stimuler la collaboration, les échanges de données et la performance globale de cette Industrie.
La prochaine plénière du Hub France le 29 septembre, sera l’occasion de faire le point sur ces feuilles de routes sectorielles et les cas d’usages retenus. C’est toute l’originalité de cette initiative que de s’intéresser aux usages de l’entreprise, qui complémentaire des infrastructures, forme le fameux X de GAIA-X.
Dans une économie numérique qui s’ouvre en APIs, on peut imaginer les acteurs d’un même secteur se regrouper pour traiter ensemble des problématiques de leur secteur, non différenciantes, sans dupliquer leurs efforts dans chaque SI comme c’est le cas aujourd’hui. Par exemple, tous les acteurs de l’énergie en France ont développé chacun un moteur de facturation qui applique strictement la même réglementation. Est-ce bien nécessaire ? Le partage des données de santé pendant la crise sanitaire est un autre exemple.
On voit donc à l’horizon se développer des « Industry cloud », qui amèneraient une dimension sectorielle au Cloud, dont ces services s’intègreraient au SI ou au PaaS traditionnel, pour y développer les fonctionnalités plus différenciantes. Plusieurs analystes comme Gartner (dans « Hype cyle for Cloud Computing 2021 ») ou IDC qui l’estime à $20 milliards en 2022, ont introduit cette stratégie de verticalisation du cloud sous le nom de « Industry Cloud » dans leurs analyses.
Les acteurs du Cloud ou des applications SaaS, comme Salesforce (qui redouble d’acquisitions en ce moment) ou SAP, l’ont également bien compris. Ces offres sectorielles sont une opportunité pour faire basculer une plus grande part du budget SI dans le Cloud (les solutions cœur de métier). Ils commencent à aborder cette dimension avec certains clients et surtout avec un écosystème de spécialistes des industries capable de valoriser cette initiative. Ainsi, SAP ouvre sa plateforme Cloud, et des services avancés comme de l’IA, aux clients et développeurs qui souhaitent co-innover. Les applications sectorielles développées sont alors réutilisables par d’autres clients via le magasin applicatif de SAP S/4HANA, sa solution native dans le Cloud SAP.
Après être passés de « make » à « buy », et si maintenant, vous passiez de « buy » à « make again » ?
C’est ce que GreenSI pense qui va structurer les services Cloud à moyen terme. IaaS, SaaS et PaaS standard, n’étaient qu’une première marche. Faites donc revenir les « makers » (versus la Direction des achats des « buyers ») car les enjeux du Cloud pour les entreprises sont dans l’architecture et la réinvention de leur SI, et pour les Européennes certainement avec une bonne dose de souveraineté en plus.
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