La CMA, l’autorité de la concurrence au Royaume-Uni, s’est exprimée en faveur d’un blocage de la fusion Microsoft/Activision-Blizzard. Elle s’inquiète des conséquences pour les joueurs britanniques.
Dans un communiqué de presse, la CMA — pour « Competition and Markets Authority » soit l’autorité de la concurrence anglaise — a donné les résultats de son enquête sur la fusion à venir de Microsoft et Activision-Blizzard. Une offre à environ 69 milliards de dollars qui n’est pas à son goût, puisque ses premiers résultats invoquent le blocage de la fusion à venir.
Après une enquête de cinq mois conduite avec la participation d’experts externes, plusieurs points sont cités. Martin Coleman, qui a présidé ce panel d’experts, explique la position actuelle de la CMA :
« La forte compétition entre Xbox et PlayStation a fait le marché des consoles de jeu sur ces 20 dernières années. De nouveaux développements intéressants sur le cloud gaming donne aux joueurs plus de choix. […] Notre travail est de nous assurer que les joueurs anglais ne sont pas pris dans les feux croisés de ces investissements globaux qui, au fil du temps, peuvent endommager la compétition et résulter en des prix plus hauts, moins de choix, et moins d’innovation. Nos premières recherches montrent que ce pourrait être le cas ici. »
Au centre du refus, l’évolution du cloud
La réflexion de la CMA est assez simple à suivre puisqu’elle se concentre sur l’avenir du marché. En l’état, l’autorité indique qu’un petit nombre de jeux, comme Call of Duty, « joue un rôle important pour pousser la compétition entre les consoles. » Les données fournies par Microsoft et analysées par la CMA montre que les rendre exclusifs pourrait être commercialement intéressant pour l’entreprise. Et surtout, que « cette stratégie d’acheter des studios de jeu et d’en rendre le contenu exclusif aux plates-formes Microsoft a déjà utilisé par Microsoft après ses précédentes acquisitions. »
La CMA s’inquiète aussi de la suprématie de l’entreprise de Redmond dans le cloud : « Microsoft compte déjà pour 60-70% des services de cloud gaming dans le monde et a aussi des forces importantes dans le cloud gaming par sa possession de Xbox, le système d’exploitation leader du marché (Windows) et une infrastructure mondiale de cloud (Azure et le Xbox Cloud Gaming). »
C’est dans ce contexte que l’autorité a pris sa décision. « La CMA a conclu qu’acheter l’un des plus importants éditeurs de jeux vidéo pourrait renforcer cette position de force et réduire considérablement la compétition que Microsoft devrait autrement affronter sur le marché du cloud gaming au Royaume-Uni. Ceci pourrait altérer le futur du jeu vidéo, et potentiellement nuire aux joueurs britanniques, particulièrement ceux qui n’ont pas les moyens ou l’envie d’acheter une console ou un PC coûteux. »
En somme, si le Royaume-Uni bloque ce rachat, c’est avant tout parce que la position de Microsoft sur le marché du cloud lui paraît déjà être importante. Et surtout qu’il imagine le cloud gaming devenir une part très importante du marché du jeu vidéo à l’avenir. Si son premier point concernant le marché sous sa forme actuelle pourrait être contré par la proposition de Xbox de certifier les sorties multiplates-formes de Call of Duty au cours des dix prochaines années, une affaire déjà signée par Steam et Nintendo, son dernier est bien plus difficile à contrer.
Lors du lancement du service Xbox Cloud Gaming, le patron de la division gaming Phil Spencer a été clair : ses nouveaux concurrents sont les GAMAM, soit Google, Apple et consorts. Sony n’est redevenu son rival que dans le contexte de cette fusion, et l’entreprise japonaise n’a pas une place significative sur le cloud gaming, malgré son rachat de Gaikai en 2012 et l’implémentation de la technologie dans son abonnement PlayStation Plus Premium (ex PlayStation Now). Et encore moins sur le cloud au global où elle n’a tout simplement aucune présence, contrairement à Google, Microsoft avec Azure ou encore Amazon avec AWS.
La CMA n’est pas la seule à avoir exprimé un premier avis défavorable. Aux États-Unis, la FTC a également levé son bouclier, quand l’Union européenne a précisé ses propres conditions de validation. En l’état, il est difficile d’estimer si ce rachat finira bien par être validé ou non. On peut au moins facilement déterminer que de nombreux garde-fous vont être mis en place dans son application, au point que l’accord premier n’aura plus le même visage.
Source :
CMA
Maxime « OtaXou » Lancelin-Golbery