L’accès à Twitter a été rétabli jeudi 9 février en Turquie, après avoir été bloqué pendant une douzaine d’heures sur les principaux fournisseurs de téléphonie mobile du pays, habitué à ce type de pratique. La restriction au réseau social a suscité de multiples critiques visant la réponse du gouvernement au séisme qui a frappé la Turquie et la Syrie, et dont le bilan, qui a dépassé 17 500 morts, continue de s’alourdir.
La remise en service, constatée par une journaliste de l’Agence France-Presse en Turquie, est survenue peu après un tweet du patron du réseau social, Elon Musk, selon lequel « Twitter a été informé par le gouvernement turc que l’accès sera[it] réactivé sous peu ». L’organisme de surveillance de la gouvernance de l’Internet Netblocks.org, qui avait alerté sur la coupure, a par la suite confirmé le rétablissement du service.
Le filtrage risque de peser sur les opérations de sauvetage
Depuis le séisme de magnitude 7,8 qui a frappé le pays lundi, les réseaux sociaux turcs sont inondés de messages de personnes qui se plaignent de la lenteur du déploiement des secours. Les Turcs se servent aussi de Twitter pour publier des informations sur les proches qu’ils n’arrivent pas à joindre, des comptes rendus sur les bâtiments effondrés et la coordination de l’aide.
Le vice-ministre des infrastructures turc, Ömer Fatih Sayan, a précisé dans un tweet jeudi, s’être entretenu avec deux hauts dirigeants de Twitter, John Hughes et Ronan Costello. « Nous leur avons rappelé leur responsabilité envers notre pays à la suite de ce désastre », a-t-il insisté, leur faisant part de ses attentes en matière de coopération dans la « lutte contre la désinformation », alors que les secours aux victimes du séisme se poursuivent. « Nos demandes sont claires », a déclaré le vice-ministre, qui a mis l’accent sur la nécessité « de mesures contre les contenus susceptibles de porter atteinte à l’ordre public et à la sécurité ».
Netblocks.org avait estimé que le filtrage risquait d’« avoir un impact sur les opérations de sauvetage » des victimes, ajoutant que la Turquie avait « une longue histoire de restrictions [de l’usage] des réseaux sociaux lors de situations d’urgence nationale et d’incidents de sécurité ». Durant la coupure, l’accès à Twitter était toutefois resté possible par des comptes VPN, masquant la localisation de l’utilisateur. La police turque a arrêté une douzaine de personnes depuis le tremblement de terre, pour des publications sur les réseaux sociaux critiquant la manière dont le gouvernement turc a géré la catastrophe.
« C’est quoi cet enfer ? »
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a reconnu des « lacunes » dans la réponse apportée. « Il est impossible d’être préparé à un désastre pareil », a-t-il déclaré depuis la province du Hatay (Sud), l’une des plus touchées, à la frontière syrienne. « Quelques personnes malhonnêtes (…) ont publié de fausses déclarations telles que “nous n’avons pas vu de soldats ni de policiers” » dans cette province, a dénoncé M. Erdogan, ajoutant que 21 000 membres du personnel de secours avaient été déployés au Hatay. « Nous apporterons une réponse au désastre de façon à ne laisser personne sous les ruines ni personne souffrir », a-t-il promis à quatre mois de l’élection présidentielle.
Les responsables turcs avaient ces dernières semaines émis, à plusieurs reprises, des mises en garde sur l’usage des réseaux sociaux avant les élections présidentielles et législatives du 14 mai, où M. Erdogan brigue un nouveau mandat après vingt ans au pouvoir. Selon l’un d’entre eux, la catastrophe pose de « très sérieuses difficultés » pour la tenue de l’élection présidentielle prévue le 14 mai, mettant sous pression le président.
« Nous savons déjà tout ce qu’ils veulent cacher », a affirmé mercredi, Kemal Kiliçdaroglu, le chef du principal parti d’opposition, le Parti républicain du peuple (CHP). La cheffe du Bon Parti, un petit mouvement anti-Erdogan créé à l’automne 2017, Meral Aksener, a affirmé que Twitter était nécessaire pour « relayer les besoins des victimes du séisme ». « C’est quoi cet enfer ? », a-t-elle ajouté. Les deux dirigeants politiques font partie de la Table des Six, le nom donné à l’alliance de six partis d’opposition qui tentent de s’accorder pour faire barrage au chef de l’Etat.