des agents issus de la « zone grise » du secteur technologique israélien

des agents issus de la « zone grise » du secteur technologique israélien


Des mercenaires de la désinformation, il y en a sur toute la planète. Mais il s’avère que les entreprises sur lesquelles Le Monde et ses partenaires ont enquêté, Percepto et « Team Jorge », sont israéliennes. Si leur métier – l’influence, le dénigrement et la manipulation d’opinion en ligne – n’est pas une spécialité nationale, ces sociétés le pratiquent tout de même à la manière israélienne : elles sont le fruit d’une industrie nourrie par la culture et les méthodes des organes de sécurité de l’Etat, dont leurs fondateurs sont issus.

« Story Killers », enquête sur les mercenaires de la désinformation

Durant plusieurs mois, une vingtaine de rédactions, dont celle du Monde, ont enquêté, au sein du consortium Forbidden Stories, sur les entreprises spécialisées dans les manipulations d’opinions publiques et la diffusion de fausses informations. Dans le cadre de ce projet baptisé « Story Killers », trois journalistes du consortium ont notamment pu participer, en se faisant passer pour des intermédiaires d’un potentiel client français, à plusieurs rendez-vous avec des officines vendant des outils d’influence « clés en main ».

Cette enquête a notamment permis de révéler l’existence de « Team Jorge », une très discrète société israélienne qui revendique son ingérence dans plusieurs dizaines d’élections à travers le monde. Elle offre à ses clients un arsenal de services illégaux, depuis le piratage des boîtes e-mail et messageries privées d’adversaires jusqu’à la diffusion massive de campagnes d’influence grâce à un gigantesque réseau de faux comptes sur les réseaux sociaux.

Les activités de ces agents spécialisés dans la diffusion de contenus dérivent de celles d’agences de renseignement privées plus traditionnelles, impliquées dans le renseignement en ligne. A l’image de Terrogence, créé en 2004, pionnier israélien de l’infiltration de forums Internet grâce à de faux profils, puis de Black Cube, fondé en 2010, et de Psy-Group, lancé en 2014 par la même équipe qui fondera par la suite Percepto et qui franchit, en son temps, un seuil en diffusant ses informations à l’aide de faux comptes et sites. Team Jorge et Percepto ont aussi eu un concurrent passé un peu inaperçu, la société de communication politique Archimedes Group, tôt active dans l’usage massif de pages mensongères et de faux profils sur Facebook. La plate-forme estime aujourd’hui, selon les premiers éléments d’une enquête interne, que les faux profils de Team Jorge « semblent être une tentative, menée par certains de ces mêmes individus [liés à Archimedes Group], de revenir sur [ses] plates-formes après leur bannissement pour violation de [leurs] règles ».

« Des entreprises israéliennes utilisent ces outils et ces méthodes issus du renseignement, de l’armée, parce qu’elles le peuvent. C’est pratique, discret, ce n’est pas régulé légalement. Cela crée un marché. Et finit par être associé à la scène tech israélienne, et ce n’est pas une marque très reluisante », déplore Achiya Schatz, directeur de FakeReporter, un groupe d’activistes israéliens qui observent et dénoncent la désinformation en ligne.

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Ces mercenaires voisinent aussi en Israël avec des entreprises qui vendent un service inverse au leur, en détectant pour leurs clients la désinformation et les fausses identités en ligne. Comme ActiveFence et Cyabra, créés par deux vétérans d’une unité du renseignement militaire israélien, consacrée à la « guerre de l’information » au sein du commandement des opérations spéciales, selon leur cofondateur et directeur, le Franco-Israélien Dan Brahmy. « Le dénominateur commun, c’est l’armée et le renseignement, résume ce dernier. Lorsque mes associés sont passés dans le privé, ils ont dû faire un choix : ils ne voulaient pas devenir des mercenaires de l’information ; ils ont préféré faire autre chose de plus positif, en sachant qu’ils y gagneraient peut-être cinq à dix fois moins d’argent. »

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