Il y a vingt-cinq ans, The Truman Show sortait sur les écrans du monde entier. Satire acerbe d’une société du spectacle sans états d’âme, le film de Peter Weir mettait en scène Jim Carrey dans le rôle de Truman Burbank, homme ordinaire devenu héros de télé-réalité à son insu. Un blockbuster annonciateur du grand déballage des réseaux sociaux, qui résonne aujourd’hui avec l’ascension fulgurante de Kenza Benchrif, que les jeunes internautes connaissent sous le pseudonyme de Poupette Kenza. A 22 ans, mariée et mère de deux enfants, son nom caracole chaque soir en tête des tendances sur Twitter, et c’est actuellement la Française la plus suivie sur Snapchat, où elle totalise plus d’un million d’abonnés.
Chaque jour, face caméra, Poupette se coiffe, s’habille, prépare le petit déjeuner et affirme parfois sa volonté de pratiquer sa religion musulmane de façon plus rigoureuse. Poupette révèle les contrôles fiscaux lancés sur l’ensemble de ses sociétés qui l’obligent à passer des heures chez son comptable. Poupette doit gérer un matelas infesté de punaises de lit, perce ses boutons ou donne à voir la réalité sans fard de la dépression post-partum, pleurant à chaudes larmes en cuisinant, les cris perçants de son dernier-né en fond sonore…
Exhibition en roue libre ou stratégie marketing rondement menée ? Kenza Benchrif a, en tout cas, su transformer sa vie en telenovela 2.0 à la seule force de son téléphone, à rebours des candidats de télé-réalité qui, en règle générale, passent plutôt d’abord par le petit écran dans l’espoir d’embrasser ensuite la carrière d’influenceurs. En dialogue constant avec ses fans – qu’elle appelle ses « poupettes » –, la jeune maman poste des vidéos de façon continue (entre vingt et trente snaps par heure), et répond à des centaines de messages chaque jour. Des couloirs des lycées français aux salons de coiffure et autres instituts de manucure, on commente les dernières frasques de Poupette et de sa galaxie familiale.
Jeune couturière vivant en région parisienne, Derya a découvert Poupette Kenza grâce à sa belle-sœur. « Elle a du goût, elle est belle et stylée, elle a tout pour elle. Je la trouve spontanée et naturelle, elle a une façon d’être qui inspire confiance, avec de la douceur. Rien que son nom, Poupette, c’est trop mignon. » Une capacité de séduction qui s’explique, selon Catherine Lejealle, docteure en sociologie spécialiste des nouvelles technologies : « Le ressort de l’influenceuse aujourd’hui, c’est la proximité. Poupette Kenza est une sorte de bonne copine qui ressemble réellement aux jeunes femmes qui la suivent, qui a tous les meilleurs plans et les partage. »
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