Le 8 février 2023, le Conseil d’Etat a rendu une décision qui fera peut-être date en matière de transparence de la vie publique. Il y est question d’un journaliste qui cherche à obtenir de la Ville de Paris des documents nécessaires à une enquête, à savoir des notes et des reçus de déplacements, des frais de restauration et des frais de représentation, que la mairie refusait de transmettre. La Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), saisie en 2018 par le journaliste, a validé la communication de ces documents. Après avoir indiqué qu’elle transmettrait les documents après occultation des éléments susceptibles de porter atteinte à la vie privée des personnes concernées, la municipalité, profitant d’une zone grise du droit, n’a jamais fait suite à cet engagement et rien n’a jamais été communiqué. Le journaliste a alors saisi les tribunaux pour enfin obtenir gain de cause.
Ce récit, et cela est regrettable, est banal. Le code des relations entre le public et l’administration et le code général des collectivités territoriales contraignent bien les administrations à communiquer un certain nombre de documents sur simple demande de toute personne. Loin d’une tyrannie de la transparence parfois fantasmée, la loi fixe des limites raisonnables qui protègent le secret-défense, le secret médical, industriel et commercial, la vie privée de chacun, et interdisent les abus. L’accès aux documents administratifs reste pourtant un parcours semé d’embûches.
Plus de transparence
L’obstacle majeur reste l’absence de pouvoir de sanction de la CADA, qui ne peut que rendre des avis non nécessairement suivis par les administrations concernées. Pour obtenir gain de cause, les citoyens doivent alors saisir les juridictions administratives, ce qui se révèle coûteux et long. En témoigne l’affaire de la Ville de Paris : il aura fallu quatre ans pour que le journaliste obtienne un jugement favorable définitif, et le remboursement de 3 000 euros de frais de procédure qu’il a dû avancer. La communication des documents administratifs est donc un droit dont l’exercice est souvent réservé aux citoyens les plus tenaces, et dotés des moyens d’aller au bout des procédures.
L’accès à ces documents, moyennant occultation des données susceptibles d’attenter à la vie privée de tierces personnes ou à certains secrets justifiés, est pourtant à la fois une obligation juridique et une exigence légitime dans une société démocratique. Il est même un maillon essentiel de la confiance que les citoyens ont, ou devraient avoir, dans leurs institutions et leurs élus. L’obscurité administrative qui règne encore sape cette confiance et participe à la crise de la représentation qui mine notre démocratie. Signe que la société n’accepte plus ces zones d’ombre, les critiques se multiplient dans le débat public : les citoyens aspirent à plus de transparence, qu’il s’agisse des contrats conclus par les cabinets ministériels ou l’Elysée, d’archives nécessaires aux recherches universitaires ou encore de documents indispensables au travail d’enquête des journalistes.
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