Fausses conférences et experts fantômes : les étranges sources de l’agence de presse indienne ANI

Fausses conférences et experts fantômes : les étranges sources de l’agence de presse indienne ANI


A première vue, le site web de l’International Forum for Rights and Security (IFFRAS) pourrait ne susciter aucun soupçon. Toujours active, la page de ce think tank le présente comme un organisme canadien qui publie, aujourd’hui encore, des articles sur la politique internationale. Seulement il y a un hic : créé en 2012 par un parlementaire canadien, l’IFFRAS a officiellement été dissout en 2014. Alors pourquoi ce groupe de réflexion disparu affirme-t-il sur son site continuer à organiser des conférences ? Et pourquoi donc est-il aussi souvent cité par l’agence de presse indienne Asian News International (ANI) ?

Les chercheurs de l’organisation non gouvernementale belge EU DisinfoLab se sont penchés sur certaines sources citées par cette agence, dans un rapport publié jeudi 23 février et partagé avec le projet Story Killers, un consortium de médias internationaux coordonné par Forbidden Stories. ANI a déjà été accusée de servir de canal de propagande pour certains intérêts du pouvoir indien, et ses articles sont régulièrement repris par des organes de presse dans la région. Or, en regardant de près certaines des productions de l’agence, l’ONG a découvert une suite de « personas », c’est à dire d’auteurs et experts cités dans différents articles mais qui semblent utiliser des identités inventées de toutes pièces, le plus souvent pour publier des analyses critiques des grands rivaux de l’Inde, au premier rang desquels la Chine et le Pakistan.

Parmi ces étranges intervenants se trouve donc l’IFFRAS, cité à de nombreuses reprises par ANI alors qu’il est censé avoir fermé ses portes il y a près de dix ans. Sur son site Web, l’IFFRAS affirme avoir organisé ces deux dernières années des événements qui semblent, pour l’EU DisinfoLab, complètement fictifs. Le think-tank y assure par exemple avoir tenu une conférence sur les Frères musulmans à l’université de Montréal, en présence de quatre professeurs de cet établissement. « Nous avons contacté les individus listés comme participants, deux d’entre eux ont répondu et confirmé qu’ils n’avaient jamais assisté à cette conférence, et que les Frères musulmans n’avaient rien à voir avec leur sujet d’expertise », explique l’ONG.

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Le rapport pointe d’autres éléments troublants sur le site de ce mystérieux think-tank, comme des descriptions qui semblent plagiées d’autres conférences, voire d’éminents professeurs invités qui en réalité n’ont jamais existé. Cela n’a pas empêché ANI de citer, selon le décompte de l’EU DisinfoLab, plus de 200 fois l’IFFRAS dans des articles depuis mai 2021. « Notre hypothèse est que la seule raison d’être de l’IFFRAS est de produire du contenu qui peut être repris par l’ANI, puis diffusé largement dans la presse indienne », estiment les chercheurs. Contacté, le think-tank n’a pas répondu aux sollicitations du consortium.

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