Au milieu d’un salon décoré de papier peint rose à grosses fleurs et d’une table en bois sombre, Sanshui se déhanche frénétiquement. C’est l’une des marques de fabrique de cette influenceuse à l’énergie débordante, également danseuse pop pour des clips de musique quand l’occasion se présente. Sur Douyin, la version chinoise de TikTok, elle enchaîne les sketchs de quelques dizaines de secondes, mettant souvent en scène son chat à poils longs, et sa grand-mère, petite dame aux cheveux courts, qui assiste souvent les sourcils froncés à ses performances.
« Ma famille est assez atypique : ma mère et ma grand-mère regardent des vidéos de beaux gosses sur Douyin », raconte Yu Jiamiao (Sanshui est son nom de scène), 20 ans, qui affiche dans la vraie vie le même sourire espiègle que dans ses vidéos. Grâce à son activité sur Douyin, elle a gagné environ 800 000 yuans (107 000 euros) en 2022, de quoi faire venir sa mère et sa grand-mère à Shanghaï depuis leur ville d’origine, Harbin, dans le nord-est de la Chine.
Alors que TikTok est sous le feu des critiques aux Etats-Unis et de plus en plus scruté par les gouvernements européens, Douyin, la version chinoise de l’application, est plus populaire que jamais en Chine, avec 730 millions d’utilisateurs mensuels revendiqués en novembre 2022, soit plus d’un Chinois sur deux.
Véritables téléachats
Les deux applications ont été développées en parallèle par ByteDance, fin 2016 : pour éviter les problèmes de censure en Chine, l’entreprise a d’emblée conçu deux plates-formes quasi identiques, mais dont les contenus sont hermétiquement séparés. Le résultat est un écosystème différent, parfois un peu en avance sur TikTok en matière de monétisation, mais aussi un environnement plus étroitement contrôlé pour Douyin.
Il y a plusieurs manières de gagner de l’argent sur Douyin : les sessions de vidéos en direct (live streaming), permettent d’échanger directement avec ses fans, qui n’hésitent pas à exprimer leur gratitude en envoyant des sommes d’argent en cadeaux, parfois des milliers de yuans, à leurs vedettes préférées. Sanshui propose régulièrement des sessions d’une heure. Elle discute, danse, ou mange devant son smartphone. Autre source de revenus, la publicité, à condition évidemment de séduire les annonceurs avec son contenu.
« On essaie de montrer Sanshui plus souvent dans des activités de shopping, pour développer son image de consommatrice haut de gamme », explique Li Luxian, qui a pris Sanshui sous son aile en 2021, séduite par l’énergie de la jeune femme. Sa société, installée en périphérie de Shanghaï, gère la carrière d’une vingtaine de vedettes sur Douyin, s’occupant notamment de leur trouver des partenariats et d’écrire les scénarios des vidéos.
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