« Il faut faire des données de santé un bien commun pour la recherche »

« Il faut faire des données de santé un bien commun pour la recherche »


Que ce soit dans le soin ou dans la recherche, et qu’il le veuille ou non, le monde biomédical est aujourd’hui immergé dans le domaine des données massives de santé et leur exploitation par l’intelligence artificielle (IA). Il ne s’agit pas uniquement de l’accès à plus d’informations ou à des outils d’aide au diagnostic plus performants, mais d’une véritable révolution des pratiques médicales et de recherche. Une nouvelle médecine empirique se développe, qui ne repose plus seulement sur l’expérience du praticien, mais sur des données en grand nombre, très hétérogènes, et l’apprentissage itératif que la machine peut en faire. Une nouvelle génération d’algorithmes d’IA va permettre d’aller au-delà de l’interprétation par le praticien – des images radiologiques, des coupes d’histologie, des ondes d’électrocardiogramme –, pour les relier à de nouveaux schémas physiopathologiques, jusqu’à la création de jumeaux numériques.

La démarche expérimentale décrite au XIXe siècle par le physiologiste français Claude Bernard – observation, hypothèse, expérimentation, interprétation, toujours à la base de la recherche biomédicale – se voit bouleversée par les réseaux neuronaux et les approches d’IA, qui génèrent des connaissances sans hypothèse a priori.

Mais il faut aussi créer un modèle économique. Se pose alors la question de la nature de l’actif créé, du partage des bénéfices, de la propriété intellectuelle. Qui a découvert quoi ? Ceux qui génèrent les données ? Les créateurs d’algorithmes ? Le médecin chercheur ? Les patients eux-mêmes ? Et quel mode de remboursement pour les algorithmes d’IA utilisés dans la prévention et le soin ?

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Au cœur de l’IA en médecine, il y a les données, ces informations individuelles obtenues ou générées lors du soin, depuis l’état civil jusqu’aux résultats d’imagerie, de biologie médicale, de génomique et, les précieuses données de « vie réelle » : visite chez le médecin, médicaments achetés à la pharmacie, hospitalisations. Ces informations d’apparence banale doivent être transformées en données massives de qualité – structurées, organisées, qualifiées et annotées – utilisables par l’IA. Cela nécessite d’abord de garantir la qualité des données initiales. Il faut aussi assurer leur interopérabilité et en faciliter la réutilisation par les acteurs de la recherche, à une échelle européenne, voire mondiale. Toute une chaîne de compétences médicales, techniques et réglementaires doit être mise en place.

Il faut enfin une dynamique volontariste d’utilisation des données, plus que de simples collections passives, mais doublée d’une garantie humaine de l’IA et de son utilisation, gage de son acceptabilité par tous. Il y a urgence. C’est une compétition mondiale, scientifique et économique effrénée, un enjeu de souveraineté nationale dans lequel notre système solidaire de financement de la santé peut trouver une justification plus vertueuse encore, chacun contribuant pour chacun.

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