TikTok : l’impact direct sur le cerveau des ados pas (encore) prouvé

TikTok : l'impact direct sur le cerveau des ados pas (encore) prouvé


Si TikTok est sous le feu de l’actualité sur la question de la gestion des données personnelles, le réseau social chinois pose aussi la question de la santé mentale de ses utilisateurs. L’utilisation de ce réseau social serait de 1h30 à 1h45 par jour et par
utilisateur. Soit plus de 10 heures par semaine pour les 14-18 ans. Un
temps à jouter à celui passé sur les autres applications.

Le professeur de psychologie Grégoire Borst, chercheur au CNRS, donnait cette semaine son point de vue sur cette question devant la commission d’enquête du Sénat. Les associations de parents présents dans la salle allaient-elles enfin entendre les preuves scientifiques de l’impact de l’usage de TikTok sur le comportement de leurs ados ?

« Les déclarations scientifiques sur TikTok, finalement, il y en a pas ou très très peu, prévenait d’entrée de jeu le professeur. On a très peu de données sur ce que cela produit sur le cerveau en développement et sur les compétences cognitives. » Et de tenter cependant, au delà de TikTok, d’évoquer l’influence des réseaux sociaux sur les ados.

Résultats surprenants sur le bien-être

« Le cerveau adolescent est très focalisé sur les récompenses. Son système limbique [partie du cerveau intervenant dans le comportement et en particulier les émotions] répond fortement à une récompense espérée. Et cela explique pourquoi les adolescents sont beaucoup orientés vers des comportements répétitifs pour obtenir des récompenses. » De fait, la répétition des parties de jeu vidéo conduit à l’amélioration rapide des performances.

« Quand ils sont dans un contexte social, rajoute Grégoire Borst, ils sont encore plus orientés vers les récompenses immédiates, vers le plaisir immédiat par rapport à la capacité à différer leur plaisir dans le long terme. »

Deux études réalisées sur 500 000 données d’adolescents, et orientées sur le temps passé sur les réseaux sociaux et leur bien-être, font le même constat. 0,4% du bien-être des adolescents est expliqué par le temps passé sur les réseaux sociaux. Mais une étude conclut qu’il n’y a pas d’urgence en termes de santé publique, l’autre qu’il y a urgence.

Étonnement dans la salle.

Facteurs individuels

Autre fait énoncé par Grégoire Borst, « entre 1990 et 2017, vous n’avez pas d’explosion des difficultés psychologiques rencontrées par les adolescents du fait de l’émergence de plus de numérique dans leur vie quotidienne. » Surtout, il ne faut pas regarder « les adolescents comme une population homogène ». Reste que ces réseaux sociaux sont « des amplificateurs de difficultés psychologiques préexistants chez les adolescents. »

« Si vous avez une bonne estime de vous-même et que vous allez dans un réseau social, et que vous rentrez dans une situation de comparaison sociale, cela va plutôt avoir un effet positif sur votre estime. Si votre estime de vous même est négative, mauvaise, cette comparaison sur un réseau social va aboutir à une diminution de votre estime de soi. »

« Vous nous expliquez que ce n’est pas le fait d’aller sur les réseaux sociaux qui fera qu’un gamin est plus ou moins capable d’apprendre enchaîne Mickaël Vallet. C’est déjà la façon dont il est structuré. Mais une fois que des gamins sont sur TikTok, quelque soit leur capacité de résistance, pouvez-vous nous préciser qu’est-ce qui fait qu’on peut, en croyant y passer cinq minutes, y passer trois heures. Et est-ce qu’y passer trois heures c’est grave ? »

Et si vous enfants allaient plus tard à l’école ?

« Les données sont encore moins convaincantes sur ce point de vue-là, dit le professeur de psychologie. J’entends bien qu’il y a une crainte légitime sur ce point. Pour autant, on n’a pas de lien avéré, systématique, négatif avec le développement cognitif de l’enfant au-delà de 3-4 ans. »

Le temps passé devant les écrans « a un effet sur la qualité de sommeil
des adolescents et des adultes. Sauf que l’adolescence, c’est une
période dans laquelle on a une convergence des problématiques. Ils sont
en déficit de sommeil beaucoup plus important qu’à n’importe quelle
autre période de la vie. Leur cycle de sommeil est en train de se
décaler, de plus de deux heures. » Et de préconiser le décalage de deux heures de la première heure de cours au collège. «
C’est miraculeux. Vous allez respecter enfin le temps physiologique de
l’adolescent. Parce que, de toute façon, il va se coucher à 23h00. »

Pour les enfants plus jeunes, poursuit Grégoire Borst, « il y a des données cohérentes, qui semblent suggérer qu’il y a non pas des troubles mais des retards sur l’acquisition du langage, de la reconnaissance des émotions, parfois sur la motricité fine. Ce ne sont pas des retards qui sont irrattrapables mais qui s’expliquent par le temps passé dans des moments où notamment nous devrions être en tant qu’êtres humains en construction, en interaction avec nos parents. »





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