« Ainsi s’achève une époque aussi imaginative que déconcertante pour les médias »

« Ainsi s’achève une époque aussi imaginative que déconcertante pour les médias »


En « une » de Buzzfeed News, ce vendredi 21 avril, le site d’information s’interroge sur la personnalité de Midge, la seule vraie copine de Barbie si souvent retirée des rayons et vedette d’un film en salle le 19 juillet. Aujourd’hui c’est le site lui-même qui est brutalement enlevé des rayonnages de l’Internet. Le fondateur de l’entreprise, Jonah Peretti, l’a annoncé dans un mail interne ce jeudi 20 avril.

Il ferme le plus célèbre et imaginatif des nouveaux médias, né en 2006 avec l’essor des réseaux sociaux. 180 employés seront licenciés. « J’ai été trop lent à admettre que les grandes plates-formes Internet ne fourniraient pas la distribution et les finances nécessaires pour soutenir un journalisme de qualité gratuit et conçu pour les réseaux sociaux. »

La société BuzzFeed se concentrera sur son autre journal en ligne, le HuffPost, acheté en 2020, et ses sites dédiés à la cuisine, à la mode et aux célébrités. Ainsi s’achève une époque aussi imaginative que déconcertante pour les médias, à l’image du monde des réseaux sociaux, lui aussi en plein bouleversement.

Jusqu’au prix Pulitzer

Pourtant, BuzzFeed News aura tout essayé. Le journalisme algorithmique de ses débuts, avec des logiciels qui faisaient le travail, puis à l’inverse la presse de qualité, avec l’embauche de journalistes d’expérience qui vont pousser l’investigation jusqu’à décrocher un prix Pulitzer en 2021 pour une enquête de Megha Rajagopalan sur les camps de rééducation des Ouïgours en Chine.

Le groupe s’est lancé dans l’expansion internationale et les acquisitions puis a tenté l’introduction en Bourse en décembre 2021, par le truchement d’une société spéciale, avec l’espoir d’une valorisation dépassant le milliard de dollars. Ce fut une catastrophe.

Jonah Peretti incrimine les grandes plates-formes et la débâcle du marché de la publicité pour justifier sa décision. En effet, la conjoncture actuelle difficile et la dégringolade de nombre d’entreprises du high-tech ont déprimé un marché de la publicité qui représentait la quasi-totalité des revenus d’un site qui n’a jamais gagné d’argent.

Ce n’est pourtant pas faute d’imagination dans ce domaine, avec un mélange assumé entre contenu éditorial et publicitaire. Cette approche, couplée avec un tropisme pour les papiers racoleurs, n’a pas arrangé sa cote de confiance auprès des lecteurs. Comme les réseaux sociaux, il a développé un rapport distancié avec la rigueur journalistique. Comme eux, et notamment Twitter, il n’a pas su trouver la voie d’un modèle économique pérenne, c’est-à-dire payant et indépendant. Un équilibre fragile que peu de médias atteignent aujourd’hui.



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