En ne faisant aucun effort sur les pièces détachées, les constructeurs de Chromebook rendent ces machines peu durables et difficilement réparables. Ce qui nuit à leur intérêt (et à la planète), notamment dans l’éducation, le domaine dans lequel ces PC devraient briller. Les constructeurs ont leur responsabilité… mais Google tout autant.
Les Chromebook sont (souvent) des appareils jetables et donc peu économiques : c’est le bilan d’une étude menée par l’association le Fond d’Éducation de l’ONG Public Interest Research Group (PIRG). Un réseau d’associations américaines et canadiennes qui s’est penchée sur le cycle de vie des Chromebook achetés en masse par des écoles pendant la pandémie de 2020. Et le bilan est assez catastrophique sur le plan matériel. Bien que le système d’exploitation et la position de Google sur le sujet puissent être critiqués, la clé du problème est matérielle. Car si on a bien vu des Chromebook haut de gamme dont la résistance ne semblait pas être très différente des PC « classiques », les gammes qui sont ici pointées du doigt sont celles des appareils dits « Education ». Des machines sont les éléments matériels sont bien plus bas de gamme. Et pas seulement…
Machines pas assez solides et difficilement réparables
Le milieu de l’éducation et des enfants est un monde de chocs et de chutes pour toutes les machines. D’abord, les Chromebook paraissent plus fragiles par leur positionnement, généralement bien plus « entrée de gamme » que la concurrence sous Windows. Ensuite, ils sont bien moins réparables. Il est assez intéressant de mentionner que l’association nord-américaine se sert du score de réparabilité français (French Repair Score dans le document). Preuve que dans ce domaine, l’action des pouvoirs publics a réussi à accoucher d’un indice facile à appréhender (note sur 10). Lequel est accompagné d’une méthodologie suffisamment solide pour que d’autres entités s’en emparent. Et grâce au score français, l’association met le doigt sur une information importante : en comparant les scores des Chromebook à des machines sous Windows, elles aussi, utilisées dans l’éducation (6,9/10), elle s’est aperçue que les scores de réparabilité des Chromebook (5,8/10) sont systématiquement inférieurs.
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Ce score de réparabilité inférieur est dû à deux facteurs importants. Le premier, c’est le peu de pièces de rechange disponibles. Le second, des modifications intergénérationnelles inutiles, qui non seulement limitent la disponibilité de ces pièces, mais empêche aussi la cannibalisation entre les appareils… de même marque et même gamme ! Citant des références comme les Samsung Chromebook 11 XE500C12 et XE500C13, l’association note que bien que ces deux machines soient quasi identiques, le changement des contours de l’écran (les bézels) autour de la webcam passe d’une découpe carrée à ronde. Ce qui rend les pièces incompatibles entre les deux modèles. Idem chez Dell, HP ou encore Asus : aucun constructeur ne joue le jeu de maintenir une structure commune qui faciliterait les réparations sur le long terme. Rendant très difficile l’opération d’approvisionnement en pièces-détachées. Le bilan de cette faible résistance et des difficultés de réparations est édifiant : doubler la durée de vie matérielle des machines vendues en 2020 (quasiment 32 millions de pièces) reviendrait à « réduire les émissions de CO2 de 4,6 millions de tonnes, ce qui est équivalent au retrait de 900.000 voitures de la route pendant un an ».
Les fautes de Google
Puisque le matériel semble principalement en faute, Google n’a-t-il rien à se reprocher ? Eh bien si. Et pas qu’un peu, relève le rapport. Et cela commence à partir du design même des machines. Le PIRG note que si les constructeurs ont une marge de manœuvre dans la conception, chaque machine est basée sur un design de référence. Et comme le rappelle souvent Google, toutes les machines sont des collaborations entre Google et les fabricants. Mettant ainsi en cause les procédés de validation et les exigences du géant américain. Ensuite, il y a une limite logicielle peu connue du grand public : les Chromebook des écoles sont des machines bloquées par une stratégie de management de flotte. Concrètement, à moins que le service informatique en charge de la gestion d’une machine type ne retire le lien de gestion, les recycleurs ne peuvent pas débloquer le Chromebook pour un autre utilisateur. Qu’il s’agisse d’une autre école/district qui aurait récupéré l’appareil (occasion, pièces détachées) ou d’un particulier. Ici, le PIRG souhaite que Google mette en place une procédure permettant aux recycleurs et réparateurs agréés de pouvoir retirer les appareils des flottes.
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Finalement, l’association pointe du doigt que les Chromebook ont littéralement une date de péremption logicielle qui leur est assignée. Appelée AUE pour « expiration automatique des mises à jour » (automatic update expiration). La durée de ces mises à jour varie, selon les appareils, de cinq à huit ans. On peut, certes, apprécier la transparence autant dans la communication (la date apparaît dans le système) que dans la possibilité de vérifier à toute heure l’expiration des machines sur une page dédiée? Mais cette date de péremption gêne. Autant dans l’aspect écologique que dans l’incongruité du fait que cette limite existe pour des machines qui reposent autant sur le cloud. La promesse originelle de Google pour son Chrome OS et ses Chromebook en général était en effet de considérer les PC portables comme (presque) des clients légers qui déportent l’essentiel de leur effort sur la puissance des serveurs en ligne.
La solution : des plateformes plus durables
Le rapport du PIRG note que de nombreuses écoles ont commencé à détourner des Chromebook (phénomène de « churn ») pour les machines plus chères à l’achat qui coûteront moins cher sur le long terme (principe de la théorie des bottes). Pourtant, les Chromebook pourraient (re)devenir des machines idéales pour l’éducation si Google et ses partenaires consentaient à fournir des efforts. Loin d’être insurmontables. Du point de vue logiciel, Google devrait s’engager de manière ferme à une décennie de suivi. Avec un déport de beaucoup de puissance de calcul sur le cloud, les besoins de performances d’un tel OS sont limités. Et compte tenu du niveau de qualité atteint depuis belle lurette sur certaines gammes de puces, notamment depuis la 10e génération de Core (à partir de la gamme i5), l’argument des performances ne saurait être aussi prégnant qu’avec un OS comme Windows. Et Google doit aussi, autant pour le changement de propriétaires (possibilité de faire déverrouiller les machines) que pour la fin de vie, proposer des solutions. Comme, pourquoi pas, une version spéciale de Chromeflex pour ses vieilles machines. Ou une distribution Linux légère qui puisse permettre à l’appareil de continuer à effectuer les tâches de base – sans mettre en danger l’utilisateur (sécurité) ni nuire à la marque de Chrome OS.
Mais surtout, pour les marchés éducation et entreprises, Google doit imposer à ses partenaires la mise en place de châssis longue durée. Des châssis plus résistants, moins changeants entre les différentes générations – ou de manière interopérable. Et équipés de composants pas nécessairement à la pointe, mais de qualité suffisante, respectant des standards et produits en grands volumes. Avec son approche cloud, Google offre une alternative à intéressante à Windows. Mais pour l’heure, le géant de la recherche et de la publicité en ligne a encore du pain sur la planche.
Source :
Ars Technica