Le ministère public a requis une peine de trois ans de prison, dont deux ans avec sursis, contre « Yannox ». Lundi 12 juin, ce jeune internaute francilien de 22 ans était jugé par la 12e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris pour une trentaine d’infractions, des swatting – 80% du dossier pour la défense -, des attaques en déni de service, des piratages ou des menaces commis entre septembre 2020 et avril 2021.
« On a un nombre incommensurable d’infractions alors qu’il était en sursis probatoire, il y a une nécessité d’avoir une partie ferme », s’est justifiée la substitut Audrey Gerbaud. « Ce qu’on voit avec la répétition des faits, c’est qu’il se perfectionne, ajoute-t-elle. Cela laisse également à penser que sa prise de conscience a l’air assez légère, avec un risque de récidive qui me paraît élevée.»
Comportement altéré
Le portrait de ce jeune homme frêle aux longs cheveux bouclés s’est singulièrement assombri au fil de l’audience. Il avait été identifié dans les enquêtes par son numéro de téléphone – de rares erreurs de configuration -, ses vantardises ou les archives de son logiciel de spoofing, ce procédé pour tromper le destinataire d’un appel sur la personne appelante. L’avocat de ce tricheur notoire, handicapé par de lourds problèmes de santé, a d’abord brossé le tableau d’une personne fragile au « comportement franchement altéré », selon les termes d’une dernière expertise psychiatrique signalant une psychose schizophrénique.
Mais cette défense a été compliquée par des fous rires silencieux – un réflexe nerveux selon le prévenu- à l’évocation de certaines des infractions reprochées. Avant enfin que le parquet n’informe le tribunal des raisons de sa dernière garde à vue, il y a plusieurs semaines. Cette audition faisait suite à l’achat de cinq kilogrammes de matières explosives pour fabriquer, assure Yannox, de simples pétards. « C’est quelqu’un qui baigne dans une idéologie raciste, antisémite et xénophobe, et qui veut s’attaquer à des institutions ou semer la terreur chez des particuliers », avertit Me Philippe Gonzalez de Gaspard, l’avocat d’Ubisoft, l’une des victimes.
Swatting traumatisant
Le studio de jeu vidéo avait déjà fait condamner le jeune francilien pour avoir pourri des parties de Rainbow Six. Cette fois-ci, l’entreprise revenait sur les bancs des parties civiles suite à plusieurs tentatives de swatting imputées à Yannox. La première, celle du 13 novembre 2020, avait traumatisé ses salariés de Montréal. Cette fausse prise d’otage menée soit disant par cinq hommes armés avait conduit à une très importante intervention policière, à l’évacuation des employés ainsi que des enfants accueillis à la garderie.
Gaël, dans une lettre lue à l’audience, signalait par exemple une « journée incroyablement stressante » et « huit heures d’enfer » ponctuées par l’angoisse des proches. L’entreprise avait chiffré son préjudice à 1,4 million d’euros, une somme qu’elle a passée par pertes et profits en se bornant à solliciter un euro symbolique.
Gagner des followers sur Twitter
Le Cned, également victime d’une attaque en déni de service imputée à Yannox, a lui demandé 40 000 euros en réparation de son préjudice. En avril 2021, alors que l’Hexagone venait de rentrer dans son troisième confinement, les premiers jours du service d’enseignement à distance, « Ma classe à la maison », avaient été entravés par des attaques en déni de service.
Interrogé à l’audience, le prévenu a admis avoir été derrière l’une de ses attaques en déni de service, expliquant avoir voulu « gagner des followers sur twitter » en surfant sur ces actions malveillantes qui faisaient le buzz. Avant de minimiser son rôle: l’attaque de mille secondes opérée n’était qu’un « verre d’eau lancé dans l’océan ».
Accusations contestées
La plupart des autres infractions ont été contestées à la barre. Accusé d’avoir tenté d’extorquer 20 euros à une internaute victime d’un piratage de son compte Snapchat, Yannox assure que ce n’était pas lui. Poursuivi pour d’autres swatting contre un lycée, un commissariat, ou encore une gendarmerie, il affirme ne pas se souvenir ou évoque l’action d’un tiers. « A cette heure-ci, je dormais », conteste par exemple le prévenu. « C’est votre numéro de téléphone, personne ne l’utilise quand vous dormez », s’étonne le président du tribunal.
Se défendant d’avoir voulu intimider les cibles des swatting, Yannox a enfin expliqué ne pas avoir mesurer les conséquences de ce genre d’appel. « Je ne pensais pas qu’on allait me croire », ajoute-t-il. Un raisonnement mis à mal par la chronologie de certains actes, comme avec cette tentative d’escroquerie au préjudice d’une habitante d’Aubervilliers. Selon l’accusation, après avoir échoué à prendre le contrôle de son compte bancaire, Yannox s’est vengé en lançant un swatting contre sa victime.
Délibéré au 3 juillet
Une alternance entre dénégations et demi-aveux qui a déçu. « Nous attendions beaucoup de cette audience, mais nous restons sur notre faim, il ne s’explique pas vraiment », regrette Me David Bachalard, l’avocat d’une entreprise, Fuze III. « Nous savons juste qu’il nous en veut car il ne pouvait plus cloner des objets » dans le jeu, signale l’avocat.
Cette société, qui gère un serveur Minecraft, avait été victime d’attaques en déni de service. Son Discord avait préalablement été noyé sous des messages privés envoyés en masse, un mélange douteux de vidéos islamistes mettant en scène des décapitations et des images pornographiques qui n’a pas été mis, faute de preuves, au débit du prévenu.
« Ce n’est pas parce qu’il sait faire des attaques en déni de service qu’il est à l’origine de toutes », rappelle d’ailleurs l’avocat de la défense, Armando Frignati, avant de plaider pour une peine principale de suivi socio-judiciaire. Le jugement sera rendu le 3 juillet 2023.