Révélations sur « Doppelganger », la campagne de désinformation russe dénoncée par la France

Révélations sur « Doppelganger », la campagne de désinformation russe dénoncée par la France


Visuellement, la page ressemble à s’y méprendre à celle du ministère des affaires étrangères français. Charte graphique, logo, liens vers les comptes officiels du ministère sur les réseaux sociaux : elle s’apparente en tout point à un communiqué de presse officiel de la diplomatie française, comme le Quai d’Orsay en publie tous les jours. Sauf que l’information annoncée – la mise en place d’une taxe de 1,5 % sur « chaque transaction monétaire » pour financer le soutien militaire à l’Ukraine – est totalement fausse.

Cette page très bien imitée est en réalité la partie émergée d’une vaste opération d’influence russe, qui dure depuis plus d’un an. Les agents qui ont créé et diffusé cette fausse page de la diplomatie française sont aussi à l’origine de très nombreuses imitations d’articles de médias, reprenant parfaitement les mises en page du Monde, du Parisien et de 20 Minutes, et de la plupart des grands médias allemands. Des faux similaires ont aussi été diffusés en Italie, au Royaume-Uni, et en Ukraine.

A chaque fois, le mode opératoire est le même : un article factice qui prend position pour la Russie, critiquant par exemple la visite du ministère des armées français en Ukraine, annonçant que les sanctions contre la Russie ruinent l’économie allemande, ou que le président ukrainien Volodymyr Zelensky conduit son pays à la catastrophe.

Mardi 13 juin, le Quai d’Orsay a mis en cause la Russie dans cette vaste opération de désinformation. « Les investigations conduites par Viginum [organisme de lutte contre les opérations d’influence] ont permis de mettre en évidence de nombreux éléments révélant l’implication d’individus russes ou russophones et de plusieurs sociétés russes dans la réalisation et la conduite de la campagne. Viginum a également observé que plusieurs entités étatiques ou affiliées à l’Etat russe avaient participé à la diffusion de certains contenus produits dans le cadre de la campagne », écrit le ministère des affaires étrangères dans un communiqué, qui y voit « une nouvelle illustration de la stratégie hybride que la Russie met en œuvre pour saper les conditions d’un débat démocratique apaisé et donc porter atteinte à nos institutions démocratiques ».

A la fin de 2022, après de premières enquêtes de la presse allemande et des ONG EU DisinfoLab et Qurium, Meta, avait frappé fort pour tenter de bloquer ce que l’entreprise estimait être « la plus grande, et la plus complexe, opération [de désinformation] russe depuis le début de la guerre en Ukraine, avec un niveau inhabituel de sophistication et de puissance ». Le propriétaire de Facebook avait alors annoncé avoir supprimé plus de 1 600 comptes et 700 pages, et identifié 100 000 euros investis par cette opération dans des publicités sur sa plate-forme. EU DisinfoLab baptisait ce groupe « Doppelganger » – « sosie », en allemand, mais aussi un double maléfique dans les légendes germaniques.

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