Quel est le tarif raisonnable pour un voyage Berlin-Munich en train ? A quel moment une satire devient-elle une tentative de tromperie ? Est-il important d’expliquer pourquoi une poubelle déborde en gare de Marseille Saint-Charles ? Depuis une semaine, ces questions, et d’autres encore plus absurdes ou profondes, se bousculent dans ma tête. Plusieurs mois après m’être inscrit au programme « Community Notes » de Twitter, ma candidature a été acceptée. Depuis une semaine, ma vie numérique est rythmée par ce service qui s’ouvre depuis peu aux utilisateurs hors des Etats-Unis.
Le principe de base est simple : les utilisateurs, volontaires, peuvent proposer des « notes » qui s’affichent de manière assez visible sous des tweets, et permettent d’y ajouter du contexte, de souligner une erreur ou un mensonge. Très fortement mis en avant par Elon Musk, le service, dérivé du système « Bluebird » déjà en place avant son arrivée à la tête de l’entreprise, est présenté par le nouveau patron du réseau social comme « une révolution pour combattre les informations fausses ».
En pratique, Community Notes a deux volets principaux. D’abord, l’écriture de notes : le « noteur » a la liberté d’en proposer sous n’importe quel tweet. Ensuite, le vote : où l’on donne son avis sur l’utilité et la sincérité d’une note proposée par les autres utilisateurs. Les deux sont intimement liés : pour qu’une note soit affichée, il faut que plusieurs utilisateurs, « qui ont été en désaccord par le passé », soient d’accord sur le fait de publier ou non une note. Et c’est là que les problèmes commencent. Qui sont les autres utilisateurs ? Comment sont-ils choisis ? Combien de « noteurs » doivent être d’accord pour qu’une note soit validée ? Que signifie « avoir été en désaccord » ? Quelles données Twitter conserve-t-il pour savoir si j’ai été d’accord ou non avec d’autres ? Tout cela, je l’ignore. Transparent sur ses principes, le service ne l’est pas du tout sur les critères utilisés.
Petits pinaillages et gros calibres
A l’usage, un élément est cependant très clair : l’écrasante majorité des utilisateurs sont aux Etats-Unis. Très peu de notes sont proposées sur des tweets en français ; la plupart des « notes » que Twitter soumet à mon appréciation sont écrites par des Américains, et s’appliquent à des tweets d’Américains. Avec ce que cela suppose de chocs culturels : j’ai perdu le compte, en quelques jours à peine, des débats interminables menés par la « brigade du deuxième amendement de la Constitution américaine » – ces « noteurs » qui interviennent sur tous les tweets un peu viraux suggérant de limiter les ventes d’armes à feu pour « préciser » qu’en fait « les armes à feu ne sont pas la première, mais la deuxième cause de mortalité des enfants » ou que « les AR-15 vendus aux particuliers sont des armes semi-automatiques et ne sont donc pas des armes de guerre ».
Il vous reste 64.94% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.