Après Meta, Alphabet menace à son tour. Jeudi 29 juin, la maison mère de Google a déclaré vouloir retirer tous les liens vers les sites des médias canadiens de ses plates-formes d’actualité en réponse à la « loi sur les nouvelles en ligne », votée le 22 juin. Cette législation, surnommée « C-18 », oblige les grandes entreprises du Web à payer pour diffuser le contenu des médias locaux. Elle entrera en application dans six mois. « Nous avons pris la décision difficile de supprimer, dès l’entrée en vigueur de la loi, les liens vers les actualités canadiennes dans nos produits Search, News et Discover », a annoncé Kent Walker, responsable des opérations mondiales de Google et d’Alphabet, dans un post de blog.
La décision du groupe américain marque un échec dans les négociations avec le gouvernement libéral de Justin Trudeau. Elle s’ajoute à celle de Meta, qui a annoncé le 22 juin que Facebook et Instagram bloqueront l’accès aux publications provenant de médias canadiens.
Les précédents de l’Australie et des « droits voisins »
La nouvelle législation oblige, en effet, les grandes entreprises du numérique à conclure des accords commerciaux avec les médias canadiens pour les publications partagées sur leurs plates-formes. Le gouvernement canadien espère que ces nouveaux revenus permettront de soutenir les médias en crise. Entre 2008 et 2021, 450 médias ont fermé dans le pays, selon le gouvernement.
En retour, les groupes spécialistes des nouvelles technologies dénoncent une loi qui pourrait les forcer à payer pour afficher des contenus qui ne leur rapportent aucun bénéfice direct. Pour Alphabet, la décision du gouvernement de « mettre un prix sur les liens » crée de « l’incertitude pour nos produits et nous expose à une dette financière illimitée ». En 2022, Google a affiché plus de 3,6 milliards de liens vers des médias canadiens, a fait savoir Richard Gingras, vice-président de Google News. Ce projet de loi est inspiré de celui adopté en 2021 par l’Australie, premier du genre au monde. Le texte avait été facilement adopté après que Facebook et Google eurent trouvé des accords.
Confrontée à la même situation, l’Union européenne a instauré en 2019 un « droit voisin », qui doit permettre la rémunération des éditeurs de presse pour les contenus utilisés par les plates-formes en ligne. Après avoir rechigné, Google avait fini par signer des accords avec des journaux français, une première mondiale. Ce n’est pas la première fois qu’Alphabet bloque l’actualité sur une de ses plates-formes. En 2014, l’entreprise avait fermé Google News en Espagne en réaction à une loi obligeant les agrégateurs d’informations en ligne de payer les sites de médias. Après un hiatus de huit ans, le site a été réactivé en 2022 en conséquence de l’application par Madrid du « droit voisin » européen.