Dévoilé en catimini cet été lors de l’Eurobike Festival, le dernier vélo électrique de Moustache n’est pas un cycle comme les autres. Que ce soit au niveau de sa conception, de son processus de fabrication ou tout simplement de sa conduite, le J veut incarner une proposition différente, plus originale mais surtout plus ambitieuse pour les VAE. Polyvalent à souhait le dernier né des Moustache est disponible dans deux versions pour le moment (on et all). Une troisième version, « off » complétera la gamme en toute fin d’année dans un esprit outdoor, plus proche du VTT.
Disons-le tout de go. Sur le papier, le J est l’un des vélos électriques les plus intéressants de l’année. De son processus de conception aux performances de la double suspension, tout a été fait pour que de son approche à sa conduite ce nouveau Moustache dégage quelque chose de différent.
Pour autant, il ne suffit pas d’avoir du style et quelques bonnes idées pour parvenir à atteindre l’objectif que s’est fixé le J. Le dernier-né de Moustache prétend à la polyvalence ultime. VAE dans l’approche, il se veut pourtant aussi à l’aise sur le bitume que lorsqu’il s’en éloigne. La suspension intégrale est là pour ça, ses larges pneus également. Mais sa mission est d’une rare complexité. Etre aussi à l’aise en ville que sur les sentiers est un privilège rare. Dès lors la question semble couler de source : le Moustache J est-il le champion de la polyvalence chez les VAE ?
Le J se lève
Le J est un projet entièrement nouveau chez Moustache, un vélo dont la conception a débuté il y a plus de 3 ans et qui ne devait ressembler à aucun autre dans le catalogue. Pour cela, les designers de la marque sont vraiment partis d’une feuille blanche.
La première chose qui frappe lorsqu’on regarde le J, c’est évidemment son design. Le vélo, uniquement disponible en cadre ouvert, à l’air scindé en deux parties et pour cause, c’est le cas. Le J est composé de deux pièces. La première part du guidon pour aller jusqu’au pied de la selle et forme un… J. Vous connaissez désormais l’origine de son nom. La seconde, qui forme le bras de suspension arrière, vient s’incruster juste en dessous. Elle est reliée à la première à deux endroits. Au niveau de la suspension arrière mais aussi sur le point de pivot principal qui permet l’articulation des deux axes. Surtout, ce bras de suspension arrière intègre complètement le moteur, ce qui réduit toute variation de tension de la courroie et ce qui permet un transfert d’énergie optimal entre moteur et roue arrière.
Que ce soit la partie haute ou la partie basse du cadre, toutes deux ont été réalisées à partir de la même méthode assez unique dans le cycle : un moulage en corps creux. Le procédé utilisé est celui du moulage en coquille par gravité. C’est une procédure qui se fait en fonderie et qui consiste à remplir un moule (une coquille métallique) avec du métal en fusion, uniquement par la force de la gravité. Le résultat : un cadre étonnement rigide, davantage même que celui des VTT les plus solides de la marque vosgienne. Grâce à procédé, la partie haute du cadre a pu être travaillée et cela afin de remplir deux objectifs : augmenter encore sa rigidité et loger le bloc batterie que le J doit accueillir.
En définitive, le cadre du J est uniforme et ne présente aucune soudure ce qui lui offre un aspect très réussi. Ce sentiment est également renforcé par le coloris assez particulier et les sensations au toucher. Là encore le J se distingue de la masse. Pour la peinture, Moustache a fait appel à un prestataire, français bien entendu, qui utilise un nouveau type de peinture en poudre garanti sans solvants. Dès lors, l’aspect légèrement granuleux de la peinture vient renforcer l’impression de robustesse de l’ensemble.
Le plus français des vélos Moustache
En effet, c’est l’un des aspects les plus bluffants du Moustache J et pourtant, si on ne le sait pas, rien ne permet de le deviner en regardant le vélo : le dernier VAE de la marque a été développé et fabriqué intégralement en France, en « circuit court ». Certes, plusieurs marques de cycle mettent en avant le logo « made in France », mais il ne s’agit la plupart du temps que de l’ultime étape de la fabrication, l’assemblage. Quiconque connait le marché du vélo sait, par exemple, que la très grande majorité des pièces, à commencer par le cadre viennent d’Asie.
Avec le J, Moustache a tenté de renverser cette logique. Certes, la partie purement électrique (moteur et batterie) ou encore la transmission ne peuvent se targuer d’être issues d’une fabrication locale, mais une grande partie du vélo, cadre et peinture comprise, est bien made in France et c’est très rare pour des vélos destinés à être vendus en grand nombre. La démarche est honorable et même ce procédé a des conséquences sur le prix, il n’en demeure pas moins que du point de vue de sa conception et de sa fabrication, le J n’est pas tout à fait un VAE comme les autres.
Equipement : presque un sans faute
Le nouveau vélo iconique de Moustache ne pouvait se permettre de décevoir en matière d’équipement. Et il ne déçoit pas. Pourtant en se donnant pour mission d’être à la fois confortable en ville et dynamique dans les sentiers, la tâche était ardue. Comment le J s’en est-il sorti ?
Tout d’abord, le VAE de Moustache a mis l’accent sur le confort et la facilité d’utilisation, deux aspects essentiels pour les vélos électriques urbains. Sur ce point, la selle télescopique, le guidon réglable ou encore la conception du porte-bagages font mouche. Et que dire du chois d’une transmission par courroie à variation continue signée Enviolo ? La courroie est non seulement plus adaptée à la ville et évite de tâcher ses mains et ses pantalons, mais le mode de transmission ajoute aussi en simplicité. En effet, en lieu et place des gâchettes de vitesse, une poignée rotative permet de faire évoluer les rapports. Le cycliste n’a qu’à choisir entre un rapport faible ou élevé en fonction de la pente ou de son coup de pédale. Son choix est appliqué immédiatement, sans le moindre à coup, de manière fluide et naturelle. Il est également matérialisé par un petit affichage qui permet de se comprendre le rapport appliqué en fonction du dénivelé. Bien que nous soyons d’ardents partisans des gâchettes classiques, force est de constater que le système d’Enviolo est particulièrement efficace et qu’il correspond tout à fait à un public qui n’a pas envie d’apprendre à jongler avec les vitesses.
Nous saluons également le choix d’une selle télescopique et d’un guidon « réglable ». La selle permet de changer de hauteur en fonction des besoins et facilite l’échange du vélo entre plusieurs membres de la famille. Quant à la possibilité de régler l’inclinaison du guidon directement sur la potence, elle est là pour ajuster la position de conduite au plus précis.
Toujours du côté de l’équipement, il convient de s’arrêter sur le porte-bagage. Pour cet accessoire, Moustache offre le choix entre une version minimaliste (avec des fixations QL3), celle de notre version de test, ou un système de plateforme développé spécialement pour le J. Ce porte-bagage spécifique, dont la couleur peut être personnalisée, intègre également un support MIK HD qui le rend compatible avec de nombreux équipements, mais aussi de supports QL3. Sa particularité ? En plus de pouvoir supporter une charge de 27 kg, il vient se fixer sur le cadre, pour ne pas entraver le mouvement de l’amortisseur arrière.
Mais ce qui fait passer le J à un niveau supérieur en matière d’équipement, c’est évidemment son système tout suspendu. À l’avant, Moustache a opté pour une fourche SR Suntour XCR 34 Air (120 mm de débattement), un choix classique et raisonné. À l’arrière, le fabricant est allé chercher ce qu’il avait de mieux en magasin, son système de suspension maison déjà vu et salué sur les tests de VTT Moustache que nous avons réalisés. Le Magic Grip Control, c’est son nom, est une petite pépite de suspension dotée de 115 mm de débattement, réglable sur deux positions. D’une efficacité redoutable cette suspension intégrale est capable d’absorber les aspérités de la route, même quelques petites crevasses urbaines, pour donner au J un niveau de confort très impressionnant. La différence entre les deux positions ? C’est le niveau d’amorti, la position dite « plateforme » étant en réalité optimisée pour les cas où le vélo est chargé à l’arrière, avec un siège enfants par exemple.
Finalement, il n’y a qu’un seul bémol concernant l’équipement du VAE de Moustache et il est mineur. Il s’agit de la béquille qui est trop en retrait selon nous et pas dimensionnée pour supporter le poids du vélo. Bref, un détail.
Moteur / batterie : Bosch, évidemment
Vélo Moustache = moteur et batterie Bosch. Cette règle valable dans 100% des cas, n’empêche pas de se pencher sur le choix d’équipement qui a été fait par le fabricant vosgien. Car le catalogue de Bosch offre un choix diversifié et que, pour le coup, Moustache n’a pas opté pour l’option qui semblait naturellement indiquée. Explications.
On aurait pu attendre d’un modèle aussi central que le J, qu’il ne tergiverse pas au moment de choisir son moteur. Compte-tenu du prix élevé de la bête et de ses ambitions, la logique aurait voulu que le VAE à tout faire de Moustache opte pour ce que Bosch fait de mieux, ou du moins qu’il laisse l’utilisateur choisir en fonction du type de finition. Or, lorsqu’on regarde la fiche technique du J, nous sommes surpris d’y lire : « Bosch Performance Line ». Mais où est donc le « Cx » indiquant qu’il s’agit de la version haut de gamme de Bosch ? Pour Moustache, que nous avons pu interroger à ce sujet, l’utilisation du J ne justifie pas nécessairement un recours à la motorisation la plus puissante. Les 75 Nm du Performance Line et surtout son niveau de performances seraient largement suffisantes pour le nouveau vélo. L’argument peut s’entendre, mais pour notre part, nous aurions souhaité que le J « off », la version la plus sportive du VAE puisse bénéficier d’un Performance Line Cx offrant ainsi un plus grand choix au consommateur.
Cela dit, ça n’empêche pas de se pencher sur les performances du J et de son moteur milieu de gamme. Concédons-le, les faits donnent raison à Moustache, le moteur étant parfaitement adapté au comportement du vélo. Bosch propose selon nous, la meilleure motorisation du marché. Son assistance, progressive, naturelle et surtout personnalisable offre un pédalage fluide dans lequel le choix du niveau d’effort est vraiment laissé à l’appréciation du pilote.
Lors de notre test, nous avons privilégié le mode auto, le plus abouti du marché, légèrement plus exigeant que le mode « Tour ». Le mode « Turbo » nous a semblé toujours aussi dynamique. Il peut être privilégié aux autres, bien entendu, mais il ne demande que peu d’efforts physiques et reste gourmand en batterie. Aussi, mieux vaut le préserver pour les parties les plus ardues du parcours ou les jours de grosse fatigue.
Au top de la connectivité
Même si le J n’est pas équipé du moteur le plus ambitieux de Bosch, il dispose tout de même des dernières technologies de l’accessoiriste allemand et notamment se son volet logiciel. Pour le dire autrement, il est équipé du Smart System de Bosch et est compatible avec l’application Flow.
À l’heure actuelle, il s’agit de l’une des meilleures solutions logicielles pour les vélos électriques puisqu’elle permet à la fois d’ajuster certains réglages (le niveau d’assistance notamment) tout en ayant un oeil sur les données liées à l’utilisation de son vélo, sa localisation ou encore sa maintenance. Petit plus du J, il intègre par défaut le système eBike Lock qui permet d’améliorer la protection contre le vol du vélo. Concrètement, il s’agit d’un système qui verrouille le démarrage du moteur qui rend donc le vol nettement moins intéressant. Ce système est couplé à l’eBike Alarm, qui permet non seulement de faire hurler le vélo en cas de tentative de vol, mais qui le géolocalise aussi en temps réel. Ces fonctionnalités connectées sont soumises à un abonnement auprès de Bosch, mais tout nouvel acheteur de J aura 12 mois pour les essayer gratuitement.
Pour commander ce Bosch Smart System, Moustache laisse le choix à l’utilisateur. Celui-ci devra définir lors de l’achat s’il souhaite utiliser un afficheur classique, en l’occurence le tout nouveau Kiox 500 de Bosch, ou s’il préfère le support pour smartphone faisant ainsi de son téléphone et de l’application Flow la principale interface avec le vélo.
Le J sur la route, ça donne quoi ?
Avouons-le : nous n’avons pas été rassurés par l’annonce du J. Quiconque s’intéresse de près au VAE sait à quel point cadre ouvert et suspension arrière ne vont pas de pair. La raison ? Un manque de rigidité évident, mais surtout insoluble avec les technologies de cadre actuelles, à moins de rajouter des pièces et autres renforts sur la partie arrière du cycle. Les quelques modèles qui s’y sont essayés n’ont pas vraiment convaincu. Le pari de Moustache tient au fait que son procédé de fabrication de cadre serait à même de compenser le manque de rigidité inhérent au cadre ouvert. La marque vosgienne est convaincue de la viabilité de sa solution, elle prétend que le cadre du J est trois fois plus robuste que celui de ses VTT. Sûre de son fait, elle double même la durée de garantie du cadre la passant à 10 ans au lieu des 5 ans traditionnellement admis. Ça, c’est sur le papier, mais dans les faits, ça donne quoi un J sur la route ?
Dès la première prise en main, le J surprend. La position de conduite est celle d’un VAE urbain, le dos droit et le visage relevé permettant de mieux appréhender la route. Mais les sensations sont bel et bien celles d’un VTT tout suspendu. Dès les premiers coups de pédale, nous sommes séduits par l’assistance du Performance Line et surtout par le silence quasi religieux qui s’en dégage (ce n’est évidemment pas le cas du Cx). Surtout, au bout de quelques centaines de mètres, on se surprend à jouer avec notre J, à grimper sur les trottoirs vides de monde pour effectuer quelques petits sauts bien sentis ou à jouer avec les ralentisseurs sur notre trajet. Pas de doute, le nouveau modèle de Moustache a cette faculté à faire oublier sa nature de vélo de ville. Il est joueur à souhait et performant qui plus est !
Même s’il invite à dépasser le simple usage de vélo urbain, le J donne toujours un sentiment de sécurité, renforcé entre autres par la qualité de ses freins à disques hydrauliques (180 mm), des Alhonga parfaitement adaptés. Bien entendu, ce qui fait la différence avec la majorité des VAE urbains, c’est l’apport de la suspension arrière. Le Magic Grip Control de Moustache fait mouche dès lors que la route se dégrade, et offre de manière générale l’impression de piloter un tapis volant.
Et sur les sentiers ?
Qu’en est-il lorsque le J s’éloigne du bitume et qu’il emprunte des voies plus caillouteuses ? Là encore les choix initiaux sont savamment dosés. Les pneus Schwalbe Johnny Watts (27.5 x 2.6) sont la dernière composante permettant de faire du J un pro de la polyvalence.
Là encore, le J étonne, malgré son cadre ouvert et sa position de conduite très urbaine, il s’avère tout aussi joueur sur les chemins. Pas de quoi rivaliser avec un vrai VTT électrique, bien entendu, mais le J fait plus que de donner le change, il permet de prendre du plaisir sur des sentiers un peu plus techniques et mérite à ce titre d’être considéré comme un premier pas vers le VTT.
Surtout, ces premières virées en J « all », nous ont donné très envie ce que pouvait donner le J « off », la version la plus sportive du nouveau modèle, dont la commercialisation est prévue plus tard à l’automne.
Autonomie : c’est du sérieux
Nous passerons rapidement sur la partie autonomie de ce test. Celle-ci est sans surprise, et c’est tant mieux. Le J bénéficie du meilleur couple moteur/batterie pour l’autonomie. Moins gourmand que le Performance Line Cx, son moteur permet de viser légèrement plus loin avec une batterie pleine. Dans notre cas, nous avons tutoyé les 80 km d’autonomie avec notre bloc de 625 Wh. Cette précision n’est pas anodine. En effet, lors de l’achat du J, le futur propriétaire pourra faire le choix de la taille de la batterie (entre 500 Wh et 625 Wh) et pourra même opter pour l’ajout du PowerMore de Bosch (la batterie additionnelle de 250 Wh qui vient se loger sur le support de la gourde.
Notre test s’est effectué quasi exclusivement en mode « auto », avec quelques rares passages sur le mode « Turbo », il n’est donc pas complètement représentatif de l’usage que chacun pourrait faire du J. Son autonomie pourra, comme pour les autres VAE, varier en fonction du type de parcours, du gabarit du cycliste, de la météo et même de la pression des pneus. En revanche, si vous craigniez que la suspension arrière ne détériore l’autonomie du VAE, soyez rassurés, le Moustache J est tout à fait dans la norme malgré ses choix osés.
Le Moustache J est-il hors de prix ?
5 699 euros, c’est le prix au minimum qu’il faudra débourser pour s’offrir un J « All ». Assurément, le dernier né de Moustache, est un vélo haut de gamme, mais force est de constater qu’en termes de concurrence, il n’a personne ou presque en face de lui. Les vélos intégralement suspendus et à cadre ouvert ne courent pas les rues. Finalement celui qui pourrait s’en approcher le plus c’est le Specialized Turbo Tero, dans sa version tout suspendu. Son prix est quasi identique, mais son cadre, lui, reste haut.
Le J n’est donc pas un vélo abordable, loin de là, mais aussi bien sa singularité que le choix de méthodes particulières pour sa conception peuvent justifier ce tarif élevé.
Enfin, à vélo unique dispositif particulier. Pour le J, Moustache a mis en place un configurateur en ligne (comme pour les voitures), qui permet de modifier certaines options du J et de l’adapter à ses besoins. Vous pourrez, entre autres, opter pour son porte-bagages suspendu ou dans le cas du « All » pour un système de transmission plus classique, en l’occurence du Shimano Cues.
Note de la rédaction : le test du Moustache J a été effectué avec une version quasi définitive du vélo quelques semaines avant sa commercialisation. Sur notre version du vélo électrique, deux éléments diffèrent de ceux qui seront disponibles sur la version commercialisée. La première, c’est le cache de la batterie, qui sera évidemment mieux fini que le notre. La seconde c’est l’afficheur. Nous avons roulé avec un Kiox 300, le J sera en réalité doté d’un Kiox 500 identique en termes de fonctionnalités, mais plus grand.
Verdict du test :
Le Moustache J réussit le pari d’offrir à la fois un vélo ouvert er intégralement suspendu qui est tout aussi à l’aise en ville que sur les sentiers. Sa conception d’une rare qualité, son niveau d’équipement premium conforté par une possibilité de le personnaliser font de lui l’un des vélos électriques les plus polyvalents du marché. Simple et agréable à conduire, confortable à souhait ou dynamique et engagé selon ce qu’on lui demande, il offre une variété d’usages sans égal. Certes, son prix le met hors de portée de nombreuses bourses, mais gageons que les efforts entrepris par Moustache pour développer le J pourront par la suite être déclinés sur des vélos plus accessibles.