La marque suisse d’habillement FTC Cashmere prend très au sérieux la traçabilité de ses vêtements. Elle s’est lancée dans l’élevage de 30 000 chèvres dans un lieu reculé de Chine, sur les hauteurs du Shaanxi, près de la province de Mongolie-Intérieure. Toutes les deux semaines, elle leur fait passer un bilan de santé. Elle vaporise aussi sur leur laine des gouttelettes d’ADN artificiel, créé en laboratoire, comme un code-barres invisible, qui restera tout au long de la chaîne de fabrication des vêtements, du tissage à la teinture. « Il suffit ensuite d’un simple test, dans les rayons d’un magasin, pour vérifier la provenance du pull », explique Adrian Knezovic, vice-président de FTC Cashmere.
Les chaînes d’approvisionnement sont devenues si mondialisées et complexes que les entreprises doivent emprunter à la police scientifique ses techniques médico-légales pour les démêler et les cartographier. Une entreprise peut compter jusqu’à un million de sous-traitants, directs et indirects. Elle est donc à la merci du moindre événement, que ce soit une catastrophe, comme celle de Fukushima, en 2011, qui avait paralysé une partie de l’industrie mondiale de l’électronique et automobile, une crise sanitaire comme celle du Covid-19 ou, encore, des tensions diplomatiques pouvant déboucher sur des sanctions ou des mesures de rétorsion commerciale.
La cartographie des fournisseurs permet aussi d’éviter les fraudes. En mars, Bruxelles a par exemple révélé que, sur 320 échantillons de miel collectés aux frontières de l’Union européenne, près de la moitié était falsifiés.
La certification de l’origine sert aussi d’argument de vente. Ainsi, la chaîne de magasins Marks & Spencer a lancé en avril une campagne de publicité basée sur le slogan « We trace it, you can trust it » (« Nous traçons pour que vous puissiez faire confiance »), et elle est capable, grâce à des prélèvements d’ADN, d’identifier la ferme – et même l’animal – d’où provient la tranche de jambon vendue dans ses sandwichs.
« Etre plus réactif en cas de crise »
Pour garantir aux consommateurs l’origine de sa viande, l’Irish Cattle Breeding Federation, le groupement d’éleveurs irlandais de bovins, effectue chaque année des millions de prélèvements similaires. Ces derniers sont réalisés sur la bête à son arrivée à l’abattoir, puis transmis et stockés dans les laboratoires du groupe de bioanalyses Eurofins, qui peuvent ensuite contrôler et certifier la viande irlandaise vendue dans les boucheries en comparant les échantillons. « Les clients utilisent aussi nos technologies pour pouvoir être plus réactifs en cas de crise », explique Antonina Constantine, ancienne responsable du département de génomique d’Eurofins.
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